Berrikusketak: Pierre Lhande Heguy Pierre Lhande Heguy "Le teâtre basque de plein air: Maitena" Título de la publicación: Revista Internacional de los Estudios Vascos Año de la publicación: 1914 1917 Páginas del artículo: 138 146 Parler, jusqu'en ces derniers temps, de "théâtre basque de plein air" ne pouvait avoir qu'un seul sens. C'était, à n'en pas douter, faire allusion à ces, pastorales" ou, mystères" qui se jouent à peu près chaque année dans tel ou tel village des vallées de la Soule: drames populaires d'un art primitif, d'une naïveté déconcertante; longs poèmes de six à sept mille vers où, sans égard pour la chronologie et l'histoire, Napoléon voisine avec Abraham et Nabuchodonosor avec le Grand Turc. Ces représentations ont leur charme et cette littérature a sa beauté. Un ami du pays basque et un chercheur patient, M. Georges Hérelle, nous donnera prochainement sur ce théâtre rustique une étude préparée de longue main. Aujourd'hui cette expression : "théâtre basque de plein air" s'enrichit d'une signification nouvelle. Sur l'initiative hardie, mais nullement téméraire, de deux artistes labourdins, M. M. Decrept et Colin, il vient de s'inaugurer à Hendaye, dans le décor qui séduisit Pierre Loti et à quelques centaines de mètres de la maisonnette aux volets verts où voulut se fixer cet éternel pèlerin, un théâtre destiné à initier aux beautés de la musique et de la poésie euskariennes la foule des étrangers qui visite nos plages aux mois d'été. Souvent ces hôtes d'Eskual Herria s'éloignaient avec le regret amer de n'avoir pas pris contact avec l'âme la meilleure de ce pays dont ils avaient tant aimé la physionomie. C'était comme le chagrin de n'avoir pu pénétrer dans la pensée et dans le coeur, alors que le visage était si prenant et le regard si lourd de mystères . . . Abritée derrière les jalousies de sa langue millénaire, de ses usages, de sa fierté native, l'âme basque regardait s'écouler le flot des visiteurs; ignorée d'eux et les ignorant, elle leurprêtait ses toits de tuiles rouges, ses sentiers de thuyas, ses plages que bat la mer ardente. Mais elle ne se livrait pas. Elle laissait passer. Désormais, par le "théâtre basque de plein air", un point de contact moins superficiel aura été créé entre l'âme euskarienne et l'âme si diverse des touristes ou des baigneurs que l'été amène sur nos côtes. Le rideau qui cache à leurs yeux tout ce sanctuaire fermé d'Euskal Erria: les joies, les tristesses, les orages même des foyers domestiques, aura été discrètement soulevé. A travers une traduction tout juste assez française pour laisser passer, sans être incorrecte, la saveur rustique de la langue originale, les auditeurs auront l'illusion d'entendre parler basque et de surprendre ces secrets des maisons ou des âmes qu'ils côtoient sans parvenir à les percer. A mi chemin de Hendaye et de Hendaye Plage, sur la dernière vague de terre qui borde la baie jolie, un petit bois de chênes s'est trouvé qui forme un amphithéâtre en pente douce à l'abri du vent de la mer. En face, une colline, dont l'herbe luit à travers les feuilles, sert d'abat voix. Les arbres sont assez grêles et longs pour ne point gêner la vue, et leurs feuillages, au sommet, sont assez fournis pour faire flotter une ombre légère sur les spectateurs. La scène s'érige au centre de l'amphithéâtre, sur l'esplanade naturelle, à peine un peu soulevée. Tel est le site choisi pour le "théâtre basque de plein air". L'acoustique y est excellente, et la disposition des gradins permet à plus de trois mille auditeurs d'entendre et de voir à merveille. Sur les pelouses de la prairie voisine les amateurs à la bourse plate peuvent également saisir quelques miettes du festin. On a inauguré brillamment, l'automne dernier, ce théâtre champêtre par la représentation de Maitena, pastorale lyrique basque en deux parties, de M. M. Etienne Decrept et Charles Colin, dont les lecteurs de la Revue Internationale des Etudes basques ont eu la primeur. La scène se passe dans un villagedu Laboura entre le seuil de la vieille maison Landaburua dont le large auvent chevronné protège un escalier en maçonnerie, et une immense croix de pierre, toute dorée de soleil qui, sur la place, barre de sa grande silhouette moussue tout le fond du théâtre. Le sujet de la pièce, simple et naïf, comme il convenait, tient en peu de mots: Première partie. Le riche cultivateur Landaburu a promis en mariage sa fille Maitena à un jeune homme de bonne maison paysanne; Ganich, lequel désire vivement cette union. Comme bien on devine, la jeune fille a jeté déjà son dévolu . . . ailleurs. C'est Domingo, le brillant pelotari qu'elle veut épouser malgré sa situation incertaine et son rang inférieur. Sommée par le père, que cette mésalliance indigne, de choisir entre deux partis: ou quitter la maison ou épouser Ganich, elle se résout, plutôt que de faire mentir le coeur, à s'exiler en effet. Elle rejoindra Domingo eu Amérique et ils se marieront là bas. Deuxième partie. L'imprudente folie a été châtiée. Domingo est mort à Buenos Ayres après quelques années de mariage. Maitena revient en France et, avant d'aller gagner sa vie comme servante à la ville, veut revoir sa maison. C'est jour de joie dans la cité paysanne: le choeur de moissonneuses chante la gloire des blés. Mais dans un coin du champ, le frère de Maitena et sa jeune femme qui vient de bercer leur petit de la vieille berceuse basque: Lo, lo, ene maitia", et Ganich lui même, inconsolé du départ de Maitena, pleurent sur l'absente. L'exilée, à se voir ainsi toujours chérie, ne peut réprimer l'élan de son coeur: elle arrache son voile noir . . . Imprudence! Le vieux père a reconnu la voix de sa fille, et sa fierté de maître outragé dominant son amour, il la chasse d'un geste furieux de la faux levée. Maitena obéit, elle se signe devant la vieille croix, s'éloigne lentement, mais le père, en la voyant disparaître, ne se contient plus. Il la rappelle, la presse dans ses bras. Et le mariage avec Ganich vient rendre, commede juste, tout le monde heureux. A première vue on pourrait être tenté de reprocher à ce drame de rendre odieuse l'autorité du père de famille et, de fait, il se peut bien qu'aux yeux, surtout, d'étrangers habitués à d'autres moeurs domestiques, certains traits n'aient pas été suffisamment nuancés. Cependant l'ensemble se trouve combiné de telle sorte que dans l'impression finale ni cette autorité n'apparaît despotique ni la désobéissance de Maitena absolument sans excuses. C'est un tableau vigoureux de moeurs antiques et rudes, c'est de la vie basque. Il était à remarquer en effet que les spectateurs basques et ils étaient fort nombreux aimaient à retrouver dans le caractère inflexible de Maitena la rigidité même de celui de Piarres. On aimait a retrouver chez la fille ce qui piquait chez le père, et le charme de celle là atténuant l'âpreté de celui ci les faisait goûter tous les deux. Comme de juste, la note qui a eu la plus belle part dans ce concert est la note traditionaliste et régionale. Sur toutes les lèvres le thème qui sans cesse revenait, le thème en honneur, c'était l'exaltation des vieilles coutumes locales. Il fallait entendre le vieux Landaburu flétrir la décadence du jeu de pelote, devenu, de l'institution nationale qu'il était autrefois, une entreprise quelconque d'impresarios de fortune ! Autrefois les fils de bonne maison paraissaient sur les places, mais le noble jeu des ancêtres n'était pas pour eux un gagne pain. Le lendemain des fêtes ils revenaient à la charrue ou à l'enclume. Les joueurs d'aujourd'hui n'ont pas d'autre métier. Et comme ils ont souvent des loisirs, ils les occupent en buvant, en courant la gueuse et en se dandinant sous des vêtements de richards. Il leur faudrait la fortune d'un indien pour mener ce train de vie! Il y avait dans l'assistance plusieurs pelotaris fameux. Un instant on a vu luire le regard d'acier d'Eloy, "le terrible Eloy, champion de la Havane", disait l'affiche d'une fort belle partie jouée laveille à St. Jean de Luz, mais le "terrible" Eloy n'a pas protesté. Ah! s'il avait eu là sa balle et son gant! Il faut citer encore parmi les passages les plus applaudis une affirmation magnifique des droits du père de famille. Il est vrai qu'une symphonie large, nourrie, puissante soulignait à ravir ces pensées qui sont les axiomes favoris de la race: Le chef de maison doit avoir Tout le poids et tout le pouvoir, S'il est fidèle à son devoir. Si sur femmes, fils, valets, infançons, Mariés, filles ou garçons, Le chef n'a pas la volonté Détendre son autorité, Sûrement la maison ira vite au fossé. (I ère Partie, sc. V.) Un dialogue fort caractéristique au point de vue des coutumes basques est celui de Domingo et de Ganich au premier acte. Domingo est le riche qu'on méprise parce que sa richesse n'est pas dans les terres: c'est un emüts comme nous disons en Soule, un salarié. Entendez avec quelle fierté Ganich lui oppose le tableau de ses biens fonciers : Ce Ganich a pour lui sa belle maison Dont le grenier déborde à la fenaison, Trois champs, une vigne, un bois sans rival, Huit boeufs, deux cents brebis, un joli cheval, Des canards et des poules, qui dira combien Et l'or pue j'entasse grossit tout ce bien ! (I ère Partie, sc. III.) Domingo aura beau avoir ceinture dorée, bien peu de jeunes filles? en pays basque, le préféreront à celui qui possède tant de terres et de bestiaux. Enfin, pour achever de donner à ce drame lyrique sa couleur locale, les auteurs avaient introduit, dans les diverses scènes, des couplets populaires, chantés dans la vieille langue. L'auditoire marquait par de vifs applaudissements et des exigences de répétition un peu bruyantes chacune de ces pièces, notamment la Berceuse du second tableau, la chanson éclatante de Domingo: Nere maitiak begiak ditu Gau itzalaren kolore, et surtout le Gernikako arbola, revendication énergique des libertés régionales, lancé à pleine voix par le ténor basque Cazenave, de l'Opera, devant trois mille spectateursdebout et découverts. Applaudis encore et souvent bissés les airs populaires tels que le zortziko du début, adapté d'Iparraguirre, et le duo du 1er acte entre Ganich et Domingo dont les paroles françaises étaient remarquablement adaptées à la mélodie souletine de Berterechen Khantoria telle que l'avait recueillie Charles Bordes. Voici la huitième fois, en quatre ans, que Maitena se présente devant un public nouveau. La première représentation de cette charmante pastorale eut lieu le 29 mai 1909 au théâtre des Campos Eliseos, de Bilbao, où elle tint longtemps l'affiche. Les deux années suivantes elle revint six fois au programme. Jouée et chantée mi partie en castillan, mi partie en basque, par les acteurs de la Société Chorale, elle obtint toujours un très vif succès et mit le public bilbaino, comme on dit vulgairement, en appétit d'assister à de nouvelles représentations à caractère régional. Aussitôt ce fut une floraison d'oeuvres musicales et littéraires, dont plusieurs valurent à leurs auteurs de véritables triomphes. Parmi les opéras les plus applaudis il faut citer Mirentxu de Guridi, Lide eta Ixidor d'Inchausti, et surtout Mendi Mendiyan du jeune et sympathique maître, Usandizaga. Au lendemain de la première représentation de ce chef d'oeeuvre, la Gaceta del Norte, de Bilbao, écrivait: L'auditoire est allé de surprise en surprise. Il s'attendait à écouter une agréable zarzuela (opérette), à voir les premiers pas d'un petit jeune homme dans le chemin de l'art, et comme par un coup de baguette magique il s'est trouvé en face d'une véritable merveille dont l'empire le soulevait, l'obligeait à des ovations sans fin. Le bond qui a été fait sur le chemin de l'opéra basque depuis Maitena jusqu'à Mendi Mendiyan est prodigieux. Mais c'est aux infinies douceurs de Maitena, à ses candeurs ingénues, que revient le grand honneur d'avoir ouvert la brèche, mis en goût le public et préparé des succès nouveaux. Gaceta, 23 de Mayo de 1910. Qu'on nous permette, en terminant,de renouveler un voeu déjà exprimé dans de remarquables articles par D. Gregorio de Mujica et D. Francisco Gascue. Jusqu'à ce jour, la présence de très nombreux étrangers, dans l'auditoire, a forcé les organisateurs de ces belles exécutions musicales à y introduire des dialogues en castillan ou en français. Nous ne nous éléverons pas, à la suite de tel critique étroit et chagrin, contre une pratique dont le grand avantage est de rendre accessibles à ceux qui ignorent l'eskuara ces nobles scènes de la vie basque. Nais nous estimons que le public qui est le mieux préparé à goûter pleinement Maitena et les autres oeuvres de même caractère, n'a pas encore été appelé à les applaudir: je veux dire le peuple basque basquisant. Maitena a été écrit en basque: c'est sur le texte basque qu'on a composé ta musique: c'est en basque qu'il faudra nous donner Maitena. Que les auteurs ne craignent pas, en appelant le petit peuple à écouter leur musique ou leur poésie, qu'on leur reproche de jeter les perles aux pourceaux. Les aptitudes exceptionnelles des Basques pour la musique et la poésie, leur goût très vif pour les choses de l'esprit sont des faits universellement connus, formellement attestés par des hommes d'une compétence consommée. Du reste la vogue séculaire des Pastorales dans les villages de la Soule et de la Basse Navarre est là pour témoigner des extraordinaires sympathies de ce peuple pour l'art dramatique. Des hommes qui, groupés par centaines et par milliers sur des estrades horriblement incommodes, écoutent pendant six, sept et huit heures, la monotone modulation de vers médiocres et uniformes, coupée de quelques danses, ne se lasseront pas d'entendre les admirables symphonies de Maitena ou de Mendi Mendiyan. Quant à la difficulté de recruter des personnages à la fois bons musiciens, bons acteurs et bons euskarisants, elle n'est pas insurmontable. Sans compter que pour des représentations populaires il ne serait pas indispensable d'avoir des acteursaussi impeccables que ceux qui ont paru sur la scène à Hendaye et à Bilbao, on pourrait trouver des interprètes qui, ignorant le basque mais doués d'une mémoire heureuse, déclameraient ou chanteraient un texte appris par coeur. Les acteurs de nos théâtres, dans leurs tournées à travers le monde, ne chantent ils pas couramment l'italien, l'espagnol, voire même l'anglais sans en connaître le sens? Or, on le sait, la prononciation du basque, surtout dans le dialecte labourdin, dépourvu, pour ainsi dire, d'accent tonique, est d'une facilité inouïe. Qui eût deviné, à Hendaye, que Mme Clouzet Claverie, de l'Opéra de Marseille, ne comprenait pas un mot de sa berceuse? Nous, nous comprenions à ravir et cela suffit. Une jeune mere de Sare ou de Hasparren n'eût guère pu faire mieux. L'un des interprètes les plus applaudis de Maitena à Hendaye, M. Cerdan, de l'Opéra, s'est déjà proposé pour jouer en basque, l'an prochain, le rôle de Landaburu; et à vrai dire cet artiste a rempli son rôle avec une couleur si parfaite qu'il ne lui manquait que la langue pour qu'on le crût un pur Labourdin. On trouvera aisément les autres personnages. Ainsi, tout en continuant de plaire à des étrangers avides surtout de "couleur locale" et assez familiers avec lé théâtre pour comprendre une trame facile par le jeu même des acteurs, on ne nous infligera plus, à nous, ce petit supplice si joliment comparé par D. Gregorio de Mujica à celui de ne voir les héros de Maitena que ,,comme des religieuses au parloir, à travers des grilles de fer, ou encore, comme ces joyaux de confiserie qu'on ne peut admirer qu'au travers d'une gaze où se perdent leurs détails les plus précieux . . ." PIERRE LHANDE (1) Première partie, sc. V. Cf. Etienne Decrept, Maitena, pastorale lyrique en deux parties. Texte basque Texte français. Précédée d'une lettre à Monsieur Julio de Urquijo sur le ,,Théâtre basque". Bayonne, Imprimerie Lamaignère, A Foltzer successeur 1910, in 8º de 56 pp. (2) A l'heure où nous écrivions ces lignes,le nom d'Usandizaga n'avait guère passé les frontières du Guipuzcoa et de la Biscaye. Depuis, Joshe Mari a fait du chemin. L'éclatant succès de ses Golondrinas, au théâtre Price, à Madrid (février 1914), en révélant tout à coup dans le jeune compositeur le maître de la renaissance de l'Opéra en Espagne, a porté d'un seul coup notre compatriote à la célébrité. En fils aimant d'Euskal Erria, l'heureux triomphateur a voulu, dans une dépèche vibrante d'émotion, écrite au soir même de cet événement, offrir les prémices de sa gloire à sa ville natale, la belle Donostia. iGora Joshe Mari! (3) Gregorio de Mujica, Maitena, dans Euskalerriaren alde t. III, nos. 66 et 67 (Livraisons du 30 septembre et du 15 octobre 1913). (4) Francisco Gáscue, Maitena. Ensayo de crítica musical. San Sebastian, Baroja, 1909. 1 plaquette de 17 pp., in 8º. (5) D. Francisco Gáscue, au sujet de la version castillane (op. cit., p. 9) et D. Gregorio de Mujica au sujet du texte français (art. cit., pp. 608 609) font ressortir très bien, avec exemples à l'appui, l'infériorité grave où se trouve mise, du fait d'être adaptée à l'un des deux erdara, une musique écrite sur et pour l'eskuara. Euskonews & Media 131.zbk (2001 / 7 / 13 20) Eusko Ikaskuntzaren Web Orria
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