128 Zenbakia 2001-06-22 / 2001-06-29

Berrikusketak

Note sur d'anciennes colonies gasconnes en Pays Basque

GAVEL, Henri

Berrikusketak: Henri Gavel Henri Gavel "Note sur d'anciennes colonies gasconnes en Pays Basque" Título de la publicación: Revista Internacional de los Estudios Vascos Año de la publicación: 1918 Páginas del artículo: 75 79 Lorsqu'on examine certains noms de lieux de la région comprise entre Saint Sébastien et la Bidassoa, on leur trouve un aspect incontestablement gascon: nous en citerons trois seulement, mais ils ne sont peut être pas les seuls: c'est le nom du mont Urgull à Saint Sébastien, celui du cap Higuer près de Fontarabie, et aussi celui de l'endroit appelé Molinao près de Pasajes. Sur le premier de ces noms, aucune observation à faire, tant il est évidemment gascon. Quant au nom du cap Higuer, que les Français traduisent d'ailleurs par cap Figuier, c'est une forme d'ancien gascon: seulement, si le mot eût suivi l'évolution du gascon moderne, l'r finale serait tombée dans la prononciation. Quant au nom de Molinao, il y a deux façons de l'interpréter: on pourrait y voir le mot gascon ancien Molin avec le suffixe ab, devenu normalemant au, qui aurait ici une valeur locative: l'endroit où il y a un moulin, ou bien: l'endroit où il y a des moulins. Mais il y a une façon plus simple encore d'interpréter ce mot: c'est d'y voir les mots gascons molin nau ou moli nau, c'est à dire moulin neuf. Cette seconde interprétation est plus simple encore que la première, et elle est la plus vraisemblable. Quant à la transformation d'une terminaison gasconne au en une terminaison ao, elle est toute naturelle: c'est une simple «castillanisation» analogue à celle que nous trouvons dans d'autres mots empruntés au français méridional où un u en diphtongue finale est devenu o: exemples burdeos; et manteo du français méridional mantèu. Nous trouvons d'ailleurs le même changement dans le nom, emprunté lui aussi à un dialecte voisin du gascon, d'un quartier d'une localité aragonaise (il s'agit, si nos souvenirs sont exacts, de Jaca), quartier appelé Bornao, ce qui doit s'interpréterpar une forme ancienne Borg nau, c'est a dire Bourg neuf. Les trois noms de lieu cités plus haut: mont Urgull, cap Higuer, lieu dit Molinao, ne peuvent guère s'expliquer que par la présence, au Moyen Age, de petites colonies gasconnes dans la région où se trouvent les endroits désignés par ces noms. On peut supposer que ces colonies étaient composées de pêcheurs, car ces trois endroits se trouvent, soit au bord même de la mer, soit à proximité du port de Pasajes. A quelle époque ces colonies se sont elles formées, et à quel moment, noyées au milieu de la population basque qui les environnait et à laquelle sans doute elles se mêlaient de plus en plus, ont elles oublié leur langue gasconne pour ne plus parler que le basque?: ce sont là des questions qu'il serait intéressant d'élucider, si du moins nous possédons assez de documents pour le faire, ce que j'ignore, n'ayant pas eu le loisir de faire les recherches néces saires. Certaines de ces colonies ont d'ailleurs pu perdre leur individualité gasconne plus rapidement que d'autres. La seule indication que je connaisse à ce sujet se trouve dans le très intéressant procés des sorcières de Fontarabie que M. Eur Ju a n Arzadún a étudié dans un excellent article publié en 1909 par la Revue internationale des études basques. Dans ces procès, l'un des témoins, Isabel García, âgée de treize ans environ, déclare qu'ayant été emportée au sabbat, elle s'est trouvée en présence du diable; «el diablo en gascon llamaba veni acá los de San Sebastián, los del Pasaje y luego en vascuence llamaba las de Irún, las de Endaya». Comment le témoin, qu'il fût de bonne foi ou non, eût il pu donner ce détail: que le diable s'adressait en gascon aux gens de Saint Sébastien et de Pasajes, si réellement à cette époque (en 1611) le gascon n'eût pas été une langue encore usuelle dans les deux localités en question. Nous ne sommes pas forcés, d'ailleurs, de supposer, pour interpréter ce texte, que tout Saint Sébastien parlât alors gascon: il suffit desupposer qu'une partie de la population pratiquait encore cette langue. Il est certain en effet que dès la fin du XVIE siècle au plus tard, le basque était d'un usage courant dans la future capitale du Guipúzcoa, ainsi qu'en témoignerait, à défaut d'autres preuves, l'histoire de Catalina de Erauso, la «monja alférez» qui, née et élevée à Saint Sébas tien, parlait couramment le basque. En somme, Saint Sébastien devait être alors une localité trilingue: le basque et le gascon y étaient employés comme langue vulgaire, sans doute par des parties différentes de la population, et le castillan y était employé comme langue officielle, et aussi sans doute comme seconde langue, par la partie la plus instruite de la population. Aujourd'hui, l'usage du gascon a complétement disparu de Saint Sébastien, et le gascon y a laissé la place au basque et au castillan, au castillan surtout, qui, grâce à l'afflux de population attirée de toutes les régions de l'Espagne par la vogue de la charmante cité, n'a laissé au basque que quelques quartiers de l'agglomération. En revanche, à Pasajes le triomphe du basque a été complet et ceci nous montre que si en quelques endroits de son domaine le basque a malheureusement perdu du terrain au cours des derniers siècles, il lui est arrivé aussi de faire des conquêtes. Dans cette courte note, je n'ai point prétendu, je le répête, faire une étude véritable de la question qu'elle concer ne: j'ai seulement voulu signaler cette question à l'attention des érudits, qui pourront peut être faire les recherches qu'elle comporte, et que diverses raisons m'empêchent de faire moi même . H. GAVEL (1) Après avoir pris connaissance du manuscrit de cet article, M. Julio de Urquijo a eu l'heureuse idée de demander une consultation à l'un des érudits les plus qualifiés pour résoudre les problèmes posés dans notre travail, dout le but était précisément de provoquer une consultation de cette sorte: c'est à M. Serapio Múgica que M. de Urquijo s'est adressé et la réponseque M. Múgica a eu l'obligeance de faire aussitôt a été telle qu'on l'attendre de lui, c'est à dire aussi érudite que précise. M. Múgica renvoie à deux savants ouvrages: la Historia de Guipúzcoa, de D. Nicolás de Soraluce, tome 2, page 94; et Las Provincias Vascongadas á fines de la Edad Media, par D. Carmelo de Echegaray, page 347. M. Múgica, par modestie, néglige de renvoyer également à plusieurs de ses propres travaux, qu'il eût pu légitimement citer ici, entr'autres son ouvrage intitulé Las calles de San Sebastián, page 5 et autres, d'où il ressort que certaines rues de Saint Sébastien ont des noms d'origine gasconne, par exemple la calle de Embeltrán. M. Múgica veut bien ajouter qu'aux archives de Fontarabie il y a un long document en gascon concernant la Bidassoa; il rappelle que les anciennes archives de Saint Sébastien ont disparu dans les incendies qui ont ravagé la ville, mais qu'au témoignage du Dr Camino elles renfermaient également des textes en gascon. Voici d'ailleurs le texte même de Camino, tiré de la Historia de San Sebastián, de cet auteur, page 67, et si aimablement communiqué par M. Múgica: «Tampoco es de omitir que en el libro Becerro de la ciudad, el cual tiene ya más de 300 años de antigüedad, se halla en idioma gascon una ordenanza, sobre vinos y sidras dispuesta por la propia ciudad en tiempo de este Rey D. Fernando y año de 1309 y también hay otros instrumentos del siglo XV concebidos en el mismo idioma; entre ellos una sentencia arbitraria y amigable pronunciada por los jueces nombrados por San Sebastián, Fuenterrabía, Rentería y la ciudad de Bayona, sobre resarcimiento de represalias; particularidad digna de observarse; pues solo ha quedado y es usual dicho dialecto en ambos Pasajes, y de allí á menos de un cuarto de legua, nada entienden semejante idioma. Es creíble, sin embargo, que el lenguaje gascon se introdujo en este país desde los tiempos de D. Alfonso VIII de Castilla, en cuyo reinado, siendo españoles los gascones, como sujetosá aquel monarca pudieron por el continuo trato comunicar su lengua á sus limitáneos los guipuzcoanos, y más con el poderoso motivo de los enlaces matrimoniales; pues no hay duda que algunos solares muy distinguidos en estas inmediaciones conservaran apellidos de aquellas gentes enteramente españolizadas en el reinado de D. Alfonso VIII.» Camino confirme quelques unes de ces assertions dans un autre de ses travaux, Diccionario geográfico de la Academia, publié en 1801, article San Sebastián; (c'est également à l'obligeance de M. Múgica que nous sommes redevables de cette citation): à propos d'Alphonse VIII et de Da Leonor, Camino écrit: «En esta unión de la Gascuña con Castilla debe ponerse al parecer la época y origen de haberse introducido en San Sebastián y pueblos alrededor la lengua gascona, que fué muy corriente y aún se usó en públicos instrumentos: bien que hoy día solo se habla en Pasajes» . . . . (Page 320). Arrêtons nous sur les principaux points de ces deux citations. Le «Libro Becerro» auquel Camino fait allusion avait déjà de son temps, plus de trois cents ans d'antiquité: ceci nous reporte au Xve siècle. Il a disparu dans les incendies qui ont eu lieu depuis à Saint Sébastien, mais nous ne pouvons douter que les pièces mentionnées par Camino n'aient réellement existé, car cet auteur n'aurait pu inventer sur ce point une allégation dont tout le monde pouvait alors contrôler l'exactitude. On notera aussi l'affirmation de Camino d'après laquelle le gascon était encore parlé à Pasajes à la fin du XVIIIe siècle: sa disparition y est donc très récente. Camino attribue à des raisons politiques le fait que le gascon a été à un certain moment en usage dans la région de Saint Sébastien: mais il est bien clair que son opinion, qui n'est d'ailleurs qu'une simple hypothèse, n'est pas fondée, et qu'elle ne saurait suffire à rendre compte des faits: lui même avoue qu'à moins d'un quart de lieue de Pasajes le gascon n'était pas com pris: s'il y eût eu, en même temps quecette soi disant: «espagnolisation complète» des pays gascons à laquelle il fait allusion dans le Diccionario geográfico, une «gasconisation» correspondante d'une partie de l'Espagne, on ne voit pas comment cette «gasconisation» eût été limitée à trois ou quatre localités seulement sans atteindre également les autres localités voisines tandis que tout s'explique aisément si l'on admet qu'il y a eu à un moment donné sur cette partie de la côte quelques petites colonies gasconnes: elles étaient probablement au nombre de trois: l'une à Saint Sébastien, l'autre à Pasajes et l'autre à Fontarabie; dans cette hypothèse, le gascon a disparu simplement parce que ces colonies ont été noyées, avec le temps, au milieu de la population de langue différente qui les environnait, et qui les pénétrait de plus en plus. Peut être une étude attentive des noms de famille des habitants des trois localités mentionnées ci desus nous feraient elles retrouver, sous une forme espagnolisée, quelques noms gascons provenant des membres de ces anciennes colonies. H . G . Euskonews & Media 128.zbk (2001 / 6 / 22 29) Eusko Ikaskuntzaren Web Orria