637 Zenbakia 2012-09-07 / 2012-09-14

Gaiak

Lames polies et Néolithique en Pyrénées nord occidentales

MARTICORENA, Pablo

Doctorant Université Paris

Synthèse régionale à la lumière d’un outil emblématique

Résumé d’une thèse en cours. Soutenance prévue Juin 2012

Résumé :

A travers l’étude d’un corpus de lames de pierre polie en grande partie inédit ce travail documente la question du Néolithique des Pyrénées nord occidentales et en réalise une première synthèse. La lame polie fut un témoin et une actrice privilégiée de cette période majeure de notre Histoire. Elle permet d’entrevoir, à travers les structurations même de sa production, les structures des sociétés et de leurs territoires ainsi que la gestion de ces derniers par les communautés humaines. Le rôle prépondérant de la montagne dans les processus d’adoption puis d’adaptation et de développement de l’économie de production qui rythme le Néolithique a été souligné. Ainsi, après avoir divisé la route des populations méditerranéennes porteuses de cette économie de production, la montagne va permettre l’épanouissement de cette dernière, notamment autour de l’exploitation des espaces d’altitudes et de leurs ressources biologiques et minérales. 1. Problématique

Notre travail se propose d’aborder le Néolithique des Pyrénées nord occidentales par le biais de l’étude des lames de pierre polie.

Notre problématique est la suivante. Comment les caractéristiques morphologiques et techniques des lames polies ainsi que leurs matériaux et leurs répartitions nous renseignent sur leurs productions ou leurs origines géographiques. De plus, dans quelle mesure ces lames peuvent-elles témoigner d’une structuration régionale de la production et du territoire, ainsi que de la gestion de ce dernier, et à une échelle plus large de voies de diffusion. Et enfin dans quel contexte régional chrono-culturels ces lames sont-elles produites, et donc entre d’autres termes, quelles sont les articulations entre ces productions et les autres restes matériels mis au jour, et en quoi ces articulations nous renseignent-elles sur les sociétés humaines néolithiques ? 2. Cadre géographique de l’étude

Notre étude prend place dans la zone géographique des Pyrénées nord occidentales, c’est à dire le versant nord ouest de la chaîne des Pyrénées limité par le fleuve Adour. Administrativement, ce terrain d’étude se développe sur le département des Pyrénées Atlantiques (64), de la moitié ouest du département des Hautes Pyrénées (65) ainsi que sur le tiers sud de celui des Landes (40). Elle inclut également une toute petite partie sud-ouest du Gers (32).

Cet ensemble est donc limité au nord par les landes sableuses, au sud par la ligne de crêtes que la frontière franco-espagnole reprend très largement, à l’ouest par l’océan Atlantique et à l’est par le bassin de la Garonne. Il présente une superficie d’environ 15 200 Km².

Carte de situation du secteur d’étude. 3. Synthèse : quelques pistes de réflexions... 3.1. Approche générale

L’étude des lames polies des Pyrénées nord occidentales montre l’existence de 3 types de productions. Nous proposons de voir d’une part un ensemble constitué de productions locales, d’autre part une série de lames en schiste noir, et enfin un assemblage de productions exogènes. Il apparaît que toutes ces productions se complètent et forment un tout cohérent qui laisse alors entrevoir, entre autres, une structuration générale des sociétés néolithiques, de leur(s) territoire (s), et de leur fonctionnement.

Si le fait que les communautés apparaissent vivre en marge des grands réseaux de circulations du Néolithique et que la région semble alors fonctionner comme isolat doit répondre à une réalité historique, l’image de populations fortement ancrées voire peu mobiles, avec des territoires d’approvisionnement restreint à quelques kilomètres autour de l’habitat projetée par les productions locales doit être nuancée. En effet, nous avons pu mettre en évidence des circulations et/ ou des échanges, internes à la région. C’est le cas de la production en schiste noir, qui « traverse» notre zone d’étude d’est en ouest. D’autre part se sont des circulations nord/sud ou plutôt piémont/montagne que nous avons pu entrevoir. Nous noterons notamment les lames en lherzolite découvertes dans le piémont ou bien encore à l’inverse des lames en roches volcaniques du crétacé supérieur mises au jour bien en amont des affleurements.

Dès lors nous pourrions voir les communautés néolithiques des Pyrénées nord occidentales comme un groupe homogène. L’organisation territoriale de ce dernier est basée sur l’exploitation des différents terroirs, et notamment d’un milieu montagnard accesible seulement la bonne saison, et sur une stratégie d’approvisionnement très locale. Cette dernière marque alors les productions matérielles que se soit bien entendu les lames polies, les macrooutils et sans doute les séries lithiques ainsi que la céramique.

Ce fonctionnement à l’écart des grands réseaux justifierait alors un certain archaïsme (persistance de structures à galets chauffés sur les mêmes sites jusqu’à l’Antiquité, réutilisation des tumulus, ...) et un hermétisme déjà remarqué pour l’Age du Bronze (Marembert et Seigne, 2000) mais que nous verrions, pour notre part, se mettre en place au Néolithique.

Enfin, nous devons évoquer le rôle majeur du milieu montagnard dans la vie des communautés néolithiques. Son utilisation, nécessairement saisonnière implique des comportements que nous devons nous efforcer de comprendre, notamment en terme de gestion des territoires.

En conclusion se pose la question de la place de notre zone d’étude par rapport aux autres grands ensembles géoculturels du Néolithique. Alors que nous aurions pu évoquer une position de carrefour avec notamment des passages plus faciles entre les deux versants pyrénéens qu’au centre de la chaine de montagnes il est apparu un ensemble en marge des réseaux d’échanges et fonctionnant en isolat. Ainsi les Pyrénées nord occidentales se retrouvent au centre d’un espace où plus à l’est les communautés sont d’avantage tournées vers le monde méditerranéen, au sud une frontière naturelle effectivement opérante, et au nord un espace sableux qui apparaît se rattacher d’avantage aux ensembles du centre ouest. Notre zone d’étude ne semble pas avoir « bénéficiée », bien au contraire, de sa position la situant au centre des axes de réseaux de circulations dynamique que sont la Garonne au nord-est et l’Ebre au sud.

Diagramme longueur/largeur des lames entières des Pyrénées nord occidentales.

2 Essai d’approche chronologique

Dans son ensemble cet essai d’approche chronologique semble montrer trois choses principales :

- la présence des lames polies dans notre région à partir de la deuxième moitié du Néolithique ancien.

- l’importation de produits alpins durant le Néolithique moyen.

- l’inflation importante du nombre de lames et plus généralement de l’outillage lourd au Néolithique final. Nous remarquons alors que cela pourrait être mis en relation avec une augmentation de la pression anthropique vue par divers signaux paléoenvironnementaux : pollens liés à l’élevage, pollen de céréales, ou bien encore ouverture du milieu notamment en haute montagne. Nous aurions donc une première réflexion possible autour d’une articulation : lames polies, macro-outils, pérennisation des activités agro-pastorales. De plus, à cela s’ajoute des données encore en cours de traitement concernant les découvertes en montagne : habitats, sépultures, polissoirs, ou bien encore mine du Causiat (Beyrie et Kammenthaler, 2008). A partir de là, nous émettons l’hypothèse que le Néolithique final marquerait donc un tournant important dans l’utilisation de l’ensemble des ressources biologiques et minérales de la montagne et donc de la gestion des territoires. Cette fin du Néolithique pourrait donc être le témoin de la mise en place d’une transhumance régulière et pérenne. Mais nous sommes bien conscients que cela ne reste pour le moment qu’une proposition encore largement à discuter, à étoffer et à étayer. 4. Conclusion

Ce rapport conclu trois années de soutien d’Eusko Ikaskuntza à la préparation de ma thèse. Cette dernière devrait soutenue avant l’été.

Ce travail aura permis à partir des lames polies d’entrevoir une organisation du territoire, une gestion des matières premières et de l’environnement par les communautés néolithiques. Nous aurons pu voir qu’après une période d’adoption de l’agriculture et de l’élevage marquée par des influences venues du versant sud (Aragon, Navarre, Pays Basque) et un substrat local non négligeable (mésolithique), les populations semblent se fixer. Ainsi une culture homogène prend forme durant le Néolithique dans le bassin sud de l’Adour. Cette dernière est caractérisée par l’utilisation de matières premières très locales pour son artisanat (industrie lithique, macro-lithique, céramique, ...) et une exploitation du milieu montagnard notamment dans le cadre d’activités pastorales et de mouvements saisonniers entre montagne et piémont. Cette culture sud Adour connaîtra vraisemblablement son apogée durant l’Age du Bronze ancien/moyen, et prendra la forme de ce qui est appeler le groupe du Pont-Long.