41 Zenbakia 1999-07-09 / 1999-07-16

Gaiak

L'influence de la Renaissance au Pays Basque Nord. Châteaux et maisons fortes en Labourd et Basse Navarre

BERGER, Marie Claude

L'influence de la Renaissance au Pays Basque Nord. Châteaux et maisons fortes en Labourd et Basse Navarre L'influence de la Renaissance au Pays Basque Nord. Châteaux et maisons fortes en Labourd et Basse Navarre Marie Claude Berger Texte publié à la revue ONDARE, nº17, pages 221 230, l'année 1998 par Eusko Ikaskuntza Société d'Études Basques Résumé Le XVIème s. est une époque difficile pour les provinces basques du Nord des Pyrénées: invasions espagnoles et guerres de religion entraînent ravages et incendies. Le courant humaniste, littéraire et artistique de la Renaissance italienne n'atteint guère la société locale. La plupart des familles nobles, de modeste richesse, se contentent de réparer, au mieux d'agrandir leur manoir ancien. Le seul édifice où un vaste programme Renaissance a été mis en oeuvre est malheureusement en ruines: c'est le château de Bidache. Laburpena XVI. mendea garai txarra da Iparraldeko euskal probintzientzat: inbasio eta erlijio gerrek suntsipen eta suteak eragiten dituzte. Italiako Berpizkundeko korronte humanista literaturzale eta artistikoa ez da bertako gizartera iristen. Aitonen semeen familia gehienek, aberastasunez urri, nahikoa izango dute beren oinetxea konpontzeko, edota, gehienez ere, zabaltzeko lanak egitea. Berpizkundeko programa zabala abiarazi zuen eraikuntza bakarra, zoritxarrez hondatua gaur egun, Bidaxuneko gaztelua da. Resumen El siglo XVI es una época difícil para las provincias vascas del Norte del Pirineo: invasiones españolas y guerras de religión que conllevan destrozos e incendios. La corriente humanista, literaria y artística del Renacimiento italiano no alcanza a la sociedad local. La mayoría de las familias nobles, de modesta riqueza, se conformarán con arreglar, a lo más, agrandar, su antigua casa solariega. El único edificio donde un ámplio programa renacentista ha sido puesto en marcha está, por desgracia, en ruinas; es el castillo de Bidache. Parler de la Renaissance pour les provinces basques de France équivautpresque à un paradoxe tant le XVIème s. est pauvre en grands projets architecturaux, pour des raisons que nous allons étudier, et tant les habitudes médiévales de construction défensives perdurent. L'impulsion venue d'Italie s'essouffle avant d'arriver à ces provinces éloignées des centres vitaux des royaumes de France ou d'Espagne. Peu à peu cependant, durant le XVIème s., la mainmise royale française sur le Pays Basque Nord se précise, les familles nobles, jusqu'alors facilement transpyrénéennes et de ce fait fort indépendantes et attachées à leurs traditions, sont obligées de choisir leur camp politique et leur religion. La fréquentation des fonctionnaires royaux et des milieux de la cour entraîne ainsi l'adoption des nouvelles " commodités" dans l'art de bâtir. Nous allons donc tenter de relever les traces de cette lente évolution en précisant tout d'abord le cadre chronologique et politique où s'inscrit cette étude. Il est admis, pour la France comme pour l'Espagne, de faire débuter la Renaissance dans les années 1490 et de la terminer vers 1600. Pour l'Espagne, 1492 c'est la reconquête de Grenade et la découverte de l'Amérique, l'affirmation de la puissance et des ambitions des rois catholiques qui vont rapidement achever d'unifier la péninsule avec la conquête de la Navarre sud (en 1512). En France, la guerre de cent ans est terminée depuis 1453. Louis XI est arrivé sans guerre à éloigner le danger bourguignon. Dans un royaume, peuplé et dynamique, qui jouit de la paix intérieure, Charles VIII (1483 1498) et Louis XII (1498 1515) vont pouvoir se livrer aux folles aventures des guerres d'Italie et ainsi découvrir l'Art de la Renaissance. Mais pour le Pays Basque Nord, le XVIème s. est une période confuse et difficile. Bayonne et le Labourd, repris aux anglais en 1451 grâce aux efforts de Dunois et Gaston IV de Fox Béarn, vivent difficilement leur retour dans le royaume de France: perte de débouchés commerciaux traditionnels, rupture des liens avec le Guipuzcoa,surveillance active des agents royaux de Charles VII et Louis XI. Appelé comme médiateur entre les rois de Castille et d'Aragon en 1463, Louis XI aplanit les difficultés; il séjourne longuement dans la région et met habilement à son service plusieurs familles nobles: Jean de Montréal, seigneur d'Urtubie le suit vers la Touraine et son absence va durer trente ans. D'autres familles, les d'Arcangues, les Caupenne d'Amou, les Garro obtiennent des charges de bailli ou de procureur du roi. Le Labourd est définitivement sous influence française comme la Soule reprise aux Anglais en 1449. Pour la Basse Navarre la situation est très complexe: le mariage d'Eléonore de Navarre avec Gaston IV de Foix Béarn amène le rapprochement avec la France concrétisé par le mariage de l'héritier de la Navarre et du Béarn avec la fille de Louis XI. Mais la mort précoce du Prince de Viana à Libourne en 1470 entraîne la dislocation d'un royaume marqué par les séquelles de la guerre civile. Cédant à la pression des États de Béarn, l'héritière Catherine de Navarre choisit l'alliance française en épousant Jean d'Albret en 1484. Ferdinand d'Aragon attend son heure pour les chasser de Pampelune en 1512. Le royaume est réduit à la Navarre d'Ultra Puertos, c'est à dire la Basse Navarre, la plus petite des possessions territoriales du couple Navarre Albret. Pour toutes les familles nobles navarraises depuis les rives de l'Adour jusqu'à Pampelune, un choix doit se faire désormais pour leur hommage. S'ils choisissent Catherine et Jean d'Albret et ensuite leurs descendants Henri II d'Albret Béarn Navarre, Jeanne, épouse d'Antoine de Bourbon puis Henri III de Bourbon Navarre, c'est la suzeraineté du roi de France et alors leurs domaines sud sont confisqués; s'ils choisissent le roi d'Aragon, c'est en fait la suzeraineté de l'Espagne et ce sont leurs domaines nord qui sont confisqués! Pauvre royaume "logé comme un pou" entre la France et l'Espagne qui s'unifient et qui s'y livrent déjà la guerre: c'est l'expéditionde 1521 d'Henri II d'Albret, vers Pampelune. Mais l'aide trop mesurée de son royal beau frère François I ne lui permet pas de résister à la contre offensive de Charles I d'Espagne qui envoie en 1523 l'armée du duc d'Orange chasser le prétendant, passer les Pyrénées et mettre à sac aussi bien le Labourd (Saint Jean de Luz et toute la côte) que la Basse Navarre jusqu'à la principauté de Bidache au Nord. Il faudra reconstruire après les ravages des Impériaux. Il faudra reconstruire aussi après les guerres de Religion, meurtrières et destructrices. Jeanne d'Albret choisit le protestantisme et l'impose à tous ses sujets avec un tel fanatisme que cela entraîne des rebellions et de dévastatrices expéditions militaires. A la folie meurtrière du catholique Terride répond celle du huguenot Montgomery. En outre certaines familles nobles profitent des troubles pour continuer à régler de vieux comptes entre elles: ainsi la famille de Luxe par rapport à ses ennemis héréditaires les Belzunce et surtout les Gramont. Ce n'est qu'à la fin de ce terrible XVIème s. que la Basse Navarre retrouve le calme. Henri III de Béarn Navarre devient roi de France en 1589. Il ramène la paix religieuse par l'Edit de Nantes en 1596. Ce rapide survol historique nous permet de comprendre pourquoi au XVIème s. tant de châteaux et de maisons fortes ont été ruinés; les flammes ont beaucoup ravagé, qu'elles fussent espagnoles, huguenotes, catholiques. Pour la plupart ils ont été reconstruits mais avec quels moyens? La noblesse en Pays Basque Nord n'est ni très nombreuse, ni très riche: moins d'une dizaine de maisons nobles en Labourd, une cinquantaine en Soule, seule la Basse Navarre avec les pays d'Arberoue, de Mixe, et l'Ostabarret compte 150 maisons nobles. La même famille possède souvent plusieurs de ces maisons auxquelles sont attachés plutôt des privilèges honorifiques que des droits féodaux rentables. Les terres ne sont pas très vastes, en outre, à partir de 1512 les nombreuses charges et fiefs del'ancien royaume de Navarre disparaissent pour les familles restées "Ultra Puertos". Les charges données par le roi de France sont les bienvenues mais il n'y a pas tellement à espérer dans ces provinces éloignées du centre du pouvoir qui ne découvrent les fastes royaux et les modes nouvelles que lors des passages des souverains vers la Bidasoa, lieu privilégié d'échanges princiers entre France et Espagne. A la fin du XVIème s., l'accession au trône de France d'Henri III le Navarrais, qui connaît bien ses terres familiales et ses vassaux, ouvre des opportunités intéressantes. Le roi prend sous sa protection personnelle nombre de seigneurs locaux (Armendaritz, Garro, Laxague). Il accepte même de reconnaître à la plus illustre des familles, celle des Gramont, la qualité de "princes souverains de la terre de Bidache" avec des privilèges juridiques et fiscaux (cas unique au Pays Basque). Diane d'Andoins, duchesse de Gramont, sa maîtresse, y est pour quelque chose. Il consacre ainsi leur rang dans la haute et puissance noblesse française. Dotés depuis longtemps déjà de multiples charges royales, de bénéfices ecclésiastiques juteux, les Gramont sont les seuls nobles vraiment riches, même s'ils ont perdu leurs terres de Navarre. Fréquentant la cour depuis Louis XII et François I, voyageant, bataillant en Italie, ils sont quasiment les seuls à connaître les nouveaux châteaux royaux, Blois, Chambord, Chenonceaux, à vouloir et à pouvoir implanter dans tout son éclat, la Renaissance au sud de l'Adour. Bidache, bastion avancé au dessus de la Bidouze, affluent de l'Adour, est aux mains des Gramont depuis les premières années du XIIIème s. Originaire de Villenave, cette famille, s'était illustrée au service des rois de Navarre auxquels elle rendait l'hommage pour la terre de Bidache, tout en dépendant aussi des rois de France pour d'autres possessions. Dualité qui leur permit de se tourner peu à peu vers le royaume français au moment où leur puissance navarraise était ébranlée parla guerre civile et les guerres de succession. Les troupes espagnoles brûlent et ravagent le vieux château féodal en 1523, lors de leur expédition en Labourd et Basse Navarre. La famille est éprouvée par les deuils et désastres de guerre. Mais la jeune veuve, héritière du nom, et son fils sont protégés par deux oncles fort influents et fort riches: Claude, abbé de Sorde, archevêque de Bordeaux, primat d'Aquitaine et Gabriel, cardinal de Gramont, évêque de Tarbes, plus tard archevêque de Toulouse et habile ambassadeur auprès de l'empereur Charles Quint, du roi d'Angleterre et du pape. Le programme de reconstruction de Bidache est fastueux. Il démontre que dès le début du XVIème s. les demeures privées rivalisent de modernité avec les châteaux royaux. Ce programme a été très bien étudié par O. Ribeton dans son travail minutieux sur le château de Bidache car, dans l'état actuel, il faut une certaine imagination pour retrouver la totalité de l'édifice du XVIème s. A Bidache, le maître d'oeuvre Gabriel Bourgoing, dont nous connaissons le nom par un document de 1539 concernant l'achèvement des travaux principaux du corps de logis et le maître d'ouvrage, Charles de Gramont, doivent s'accommoder de la présence, même partiellement ruinée, d'un château féodal, agrandi au XVème s. Ils vont donc insérer les nouvelles constructions dans l'enceinte fortifiée. Le châtelet d'entrée au Sud, les murailles pourvues de tourelles et la grosse tour au Nord cernaient un vaste quadrilatère. Cette surface intérieure est divisée en deux cours par le corps de logis Renaissance, orienté Est Ouest, et par les deux ailes qui s'embranchent sur lui pour rejoindre les ouvrages défensifs au Nord et au Sud. Cet agencement de l'espace concilie les deux ambitions architecturales de l'aristocratie au XVIème s. L'allure extérieure du château souligne un statut social dominant. Dressé sur un éperon rocheux, il est le symbole visible de l'autorité seigneuriale et de la puissance militaire. Voici pourquoi lesGramont, pas plus que d'autres grands féodaux de l'époque, ne songent à abandonner une expression architecturale qui avait fait ses preuves depuis des siècles: remparts, tours rondes, châtelet et pont levis, ouvrages défensifs adaptés même à la nouvelle artillerie, avec de larges ébrasements latéraux obliques. Mais depuis que les seigneurs français ont vu l'Italie, la grandeur majestueuse des façades largement ouvertes, le luxe des décors intérieurs, l'agrément des jardins, ont fouetté leur amour propre.. L'architecture domestique doit s'allier à l'architecture militaire. Comme l'a écrit A. Chastel, "l'Art de la Renaissance est lié à la demeure plus qu'à aucune autre époque. Et la demeure est ici plus que la maison." Ainsi le périmètre de l'enceinte délimite intérieurement des espaces hiérarchisés: le portail architecturé qui transforme l'ancien châtelet (mais celui que nous voyons actuellement a été refait au début du XVIIIème s. la première cour ou cour d'honneur. au fond le corps de logis principal avec une aile en retour à l'ouest traitée en galerie à arcades. L'autre aile à l'est, était symbolisée par un simple mur bas, ouvert sur les jardins, et qui permet à la lumière de baigner la cour, comme à Villesavin, la Morinière. La galerie est détruite à Bidache: était elle double, ouverte d'arcades au rez de chaussée, fermée à l'étage comme à Bury, Fontainebleau, Oiron, Verneuil? On peut le supposer d'après les arrachements de murs et d'arcades encore subsistants, d'après la hauteur de la tourelle d'escalier de plan carré qui s'insère à l'angle galerie/corps de logis. Cette tourelle contient un escalier à vis en pierre, survivance médiévale typique. Quant au logis lui même, il s'articule sur deux niveaux surmontés de grands combles coiffés de toits à forte pente et à lucarnes. Le corps de logis se termine du côté Est par une façade très soigneusement appareillées. Il devait être relié à l'angle Nord Est à une sorte de tour contenant un escalier en pierre à quartiertournant. Cette tour donnait elle accès à une terrasse ouverte sur le vaste panorama des jardins? Les reprises successives de travaux fin XVIème, début XVIIème et les destructions finales, ont rendu le déchiffrement des ruines de Bidache assez aléatoire. Ce qui frappe néanmoins dans ces restes encore majestueux c'est leur style classique. Le traitement des façades et des lucarnes est complètement exempt de toutes les fioritures décoratives, typiques du gothique flamboyant qui dans la plupart des châteaux de la Loire témoignent de la difficile adoption de la rigueur italienne d'Alberti et Bramante (exemples la tour d'escalier de Blois, la surabondance décorative de Meillant, le couronnement féerique de Chambord…). Ainsi à Bidache la lecture traditionnelle de la façade par travées verticales, culminant aux lucarnes ouvragées, est balancée par l'importance des éléments horizontaux: de larges bandeaux plats, en pierres appareillées, soulignent les divers niveaux. Ces "frises" ne sont pas décorées d'éléments sculptés. Peut être avaient elles été conçues dans un but d'économie: le revêtement de pierres bien ajustées leur était réservé; le reste du mur est enduit sur moellons. Les encadrements de baies, les allèges, les linteaux, sont enrichis d'éléments sculptés sobres et à faible relief, leur traitement reste fidèle aux modèles toscans (et par là à l'antique): consoles à volutes, cannelures et acanthe, lucarnes avec frises à godrons terminées par des acanthes, fronton triangulaire sans fioritures, triglyphes: les réminiscences greco romaines sont nettes. Aussi, bien des questions se posent quant aux influences parvenues jusqu'à Bidache. Le maître maçon Gabriel Bourgoing, qui était connu car il travaillait aussi bien à la cathédrale de Bordeaux qu'aux fortifications de Navarrenx, a t il lu Vitruve ou Alberti? Il a travaillé avec l'ingénieur italien de Navarrenx (Fabricio Siciliano) mais était il suffisamment humaniste pour assimiler l'exemple italien? Ou bien a t il faittravailler des sculpteurs pris sur des chantiers toulousains. Et dans ce cas cela signifierait que les décors sculptés, en tout cas les cheminées, sont postérieurs au document de 1539 et même à la mort de Gabriel Bourgoing survenue sans doute entre 1548 et 1552. Reporter jusqu'au milieu du siècle l'achèvement de cette grande campagne de travaux, démarrée en 1525, semble plus satisfaisant pour les analogies de style. Le château, résidence princière jusqu'à la fin du XVIIème s. a continué à être embelli, agrandi par les princes de Bidache successifs: il a connu son heure de gloire lors de la réception fastueuse de 1659 en l'honneur de Mazarin. Puis délaissé par les Gramont au XVIIIème s., transformé en bien national avec hôpital militaire, il se dégrade de plus en plus jusqu'à 'incendie final de 1796. Ainsi disparut le seul grand château renaissance de la région. Dès la fin du XVIème s. avait aussi été ruiné le vieux château féodal de Belzunce (antique et puissante famille du Labourd). Au service des rois de Navarre jusqu'au XVème s. Ils sont ensuite dotés de charges importantes par le roi de France. Mais les guerres de Religion les éprouvent durement: leurs châteaux de Macaye et surtout d'Ayherre sont brûlés en 1569. Certes, Ayherre, juché sur un promontoire étroit, typiquement médiéval par son emplacement et sa conception de forteresse flanquée de tours circulaires ne pouvait se prêter aux mêmes transformations que Bidache. La place est mesurée pour diviser la cour intérieure: le résultat manque d'ampleur. Le portail d'entrée n'a pas été transformé pour accueillir les visiteurs de manière plus pacifique et majestueuse. Les bouches à feu dans la tour Sud Est remplacent les anciennes archères. La seule concession au nouvel art de vivre ce sont les ouvertures des façades surtout visibles au Nord avec une grande travée verticale de trois baies superposées et des encadrements à retour de corniche. Il n'y a plus de document sur le château; comme il a été abandonné après avoirété ravagé dans les années 1567 1569, il est donc très plausible de dater autour de 1550 ces modifications de façades. Toujours en Labourd se trouve le seul château épiscopal construit vers la fin du XVIème s., entre 1566 et 1578, par l'évêque de Bayonne Jean de Sassiondo. Le manoir d'Askubea au dessus d'Ascain est de conception très simple. Vaste logis sous un toit à double versant traversé par une tour carrée excentrée en pierres de tailles, il représente en quelque sorte, avec sa façade principale en pierres, percée d'ouvertures rectangulaires, l'extension monumentale de la maison labourdine. A l'origine il n'y avait que trois pièces par niveau. Mais la simplicité des volumes n'exclut pas leur équilibre et la pureté de l'appareil est soulignée par les sobres éléments de décor telle une très classique niche avec statue de la Vierge. Les deux porches monumentaux extérieurs, sommés de boules sculptées, ponctuent une vaste terrasse: l'un domine l'escalier qui descend vers les jardins au Nord, l'autre accueille mais il est tout de même percé d'embrasures de tir. Le château d'Urtubie à Urrugne présente une architecture complexe, tant elle s'est modifiée au cours des siècles avec les différents propriétaires et les nombreuses réparations nécessaires après les passages mouvementés des armées espagnoles (entre 1523 et 1636). Pourtant, pour une fois on tient l'acte de construction d'un château du XVI ème s.: en 1505, par lettres patentes, Louis XII, roi de France, autorise son bien aimé écuyer Jean de Montréal à reconstruire le château d'Urtubie, brûlé en 1497 par Marie d'Urtubie épouse délaissée durant trente ans par J. de Montréal parti en 1463 pour suivre Louis XI. A vrai dire Marie s'était assez vite consolée en épousant un noble de Guipúzcoa, Rodrigo d'Alzate, et n'acceptait pas de voir revenir son premier mari après la mort du second. Jean de Montréal, bien qu'il connaisse l'Italie, n'a ni l'ambition ni les moyens de construire un vaste édifice Renaissance. Il veut surtoutun solide ouvrage défensif, d'autant que situé en contrebas d'Urrugne, le château peut facilement être à la merci d'un coup de main espagnol dans une zone frontalière. Le châtelet d'entrée est isolé du corps de logis. Deux grosses tours rondes encadrent une massive porte d'entrée mais les adjonctions du XVIIIème s. ont fait disparaître les bouches à feu et sans doute le pont levis. Le corps de logis, dont une partie remonte au XIVème s. (le château n'avait sans doute pas été détruit complètement par Marie d'Urtubie) présente de belles traces Renaissance sur sa façade Nord: larges fenêtres à moulurage très fins, dont les croisées de meneaux en pierres ont disparu, corniche cheneau arrondie dont les naissances d'évacuation sont soigneusement sculptées. Mais le toit et la charpente ont été totalement transformés au XVIIème s. ainsi que les façades Sud et Est. En Basse Navarre, où il y avait beaucoup plus de familles nobles, souvent assez modestes, la tradition médiévale du château fort haut perché avec de nombreux ouvrages défensifs, n'était guère représentée. On connaissait surtout les maisons fortes, blocs rectangulaires cantonnés de deux ou quatre tours, rondes ou carrées, et parfois ramassées tout entières en une tour massive comme à Lecumberry (maison Donamartinea XIVème et XVème s.) Au XVIème s. ces différentes familles navarraises qui choisissent de rester sous l'autorité des Albret Béarn Navarre transforment leur demeure mais sans en altérer l'allure médiévale. A quelle date? Une seule précision pour Etchauz à Saint Étienne de Baigorri: la date de 1555 sur l'épigraphe placée au dessus d'une porte d'entrée, en fait beaucoup plus tardive, signale sans doute les travaux d'agrandissement de l'ancienne maison. Dans trois maisons fortes, Larrea à Ispoure, Apatia à Bussunaritz, Etchauz à Baigorri se retrouve la même typologie: l'ancienne "salle" était sans doute un rectangle allongé. Au XVème s. il est doublé jusqu'à devenir un quadrilatère presque régulier flanqué detours cylindriques, mais on retrouve, au moins partiellement à l'intérieur, un épais mur de refend qui était l'ancien mur extérieur. L'emplacement de la porte d'entrée, du moins la porte primitive se trouve ainsi désaxée sur la nouvelle façade (cf façade Sud de Larrea, N d'Apatia). Parmi les tours, celle qui contient l'escalier à vis est toujours la plus ancienne, elle n'est pas loin de la porte d'entrée d'origine. Les précautions défensives restent encore très présentes dans ces tours: archères parfois remplacées par des bouches à feu plus larges. Fermeture de la porte de l'escalier par une barre de fer comme à Apatia. Par contre, le nombre de tours peut varier; il y en a deux seulement à Larrea et à Etchauz. Les deux échauguettes d'Etchauz, l'une circulaire et l'autre sur plan carré ont été rajoutées à des dates postérieures. Seul le château d'Apatia présente quatre tours d'angle et si l'une est du XVème s. (avec l'escalier à vis) les autres sont bien du XVIème s. Les agrandissements entraînent de nouvelles ouvertures traitées en larges baies à croisées dont les meneaux de pierres ont parfois été supprimés ou remplacés par des montants en bois. Il reste encore de beaux ensembles des ces nouveaux fenestrages avec des moulures soignées, corniches à retour. Le style nouveau d'ouverture qui laissait enfin entrer la lumière a été d'ailleurs longtemps apprécié et on ne peut pas forcément dater du XVIème s. tous les bâtiments qui en sont pourvus. L'exemple le plus net est le château de Maytie à Mauléon ou des croisées Renaissance surplombent des fenêtres déjà d'esprit XVIIème s., ce qui correspond bien aux dates de construction mais on peut aussi trouver ce cas en Basse Navarre. Les châteaux de Macaye et de Méharin où la famille Belzunce s'est installée après la ruine d'Ayherre, datent plutôt du XVIIème s. et présentent croisées à meneaux et tourelles échauguettes. Voici donc un tour d'horizon des demeures nobles en Pays Basque Nord au XVIème s. Elles sont certes assez nombreusesmais il est vraiment bien difficile de se faire une idée des nouveautés architecturales de la Renaissance à travers elles. Beaucoup d'anciennes maisons fortes se contentent de quelques transformations qui se poursuivent d'ailleurs au XVIIème et XVIIIème s. Le seul édifice qui aurait pu vraiment représenter la grande période de la Renaissance, Bidache est fortement dégradé. Il est cependant intéressant de constater que les influences artistiques à partir du XVIème s. suivent les changements politiques. Le passage du Labourd, puis de la Basse Navarre et du Béarn sous influence française à partir de 1512 entraînent l'arrivée de maîtres d'oeuvre, maçons, sculpteurs venus de Bordeaux, Toulouse, Bourges, Tours, qui apportent avec eux dessins, savoir faire et techniques, déjà expérimentés dans d'autres régions du royaume. Il ne faut pas oublier non plus l'influence toute proche du château de Pau, devenu résidence royale à partir de 1512. Il n'y a plus de lien, comme au Moyen Age avec les ateliers du Pays Basque Sud. Marie Claude Berger, docteur en Histoire de l'Art.