3 Zenbakia 1998-09-25 / 1998-10-02

Gaiak

'Iparralde' ou les provinces du pays basque nord sous l'ancient regime

LAFOURCADE, Maite

"Iparralde" ou les provinces du pays basque nord sous l'ancient regime "Iparralde" ou les provinces du pays basque nord sous l'ancient regime Maite Lafourcade Dans une Europe en pleine mue, les Etats nations, constructions artificielles, semblent aujourd'hui dépassés. Les revendications identitaires des minorités sont universelles. Pour éviter toute homogénéisation culturelle, chaque peuple doit prendre conscience de sa réalité et, pour cela, connaître son passé et retrouver son identité qu'il doit conserver tout en s'adaptant à la société moderne. Or, le peuple basque, plus que tout autre, possède des caractères propres qu'il a préservés tout au long de son histoire, du moins en Iparralde jusqu'à la Révolution de 1789. Son système juridique, qui servait de fondement à son organisation sociale, ne fut pas influencé par le Droit romain qui, partout ailleurs en Europe occidentale, modifia profondément la tradition juridique populaire. Conçu par et pour une population rurale, il a été élaboré à partir des maisons auxquelles s'identifiaient les familles et qui, comme elles, se perpétuaient à travers les siècles, donnant à la société basque une grande stabilité. A chaque génération, chaque maison était représentée par un couple de gestionnaires qui devait la transmettre avec ses appartenances et dépendances, meubles et immeubles, dans son intégralité, à la génération suivante. Les droits de ces gestionnaires n'étaient pas ceux d'un propriétaire tel que nous le concevons de nos jours, dans un système juridique individualiste, héritage de la civilisation romaine. Leur responsabilité était plus protectrice qu'autoritaire ; elle impliquait plus de devoirs que de droits. Elle s'étendait à tous les membres de la famille, morts et vivants, jeunes et vieux. Et elle ne se limitait pas à la famille, à ses membres et à ses biens. Elle s'étendait au groupe social tout entier. Chaque maison, participait, par l'intermédiaire d'un représentant, le maître vieux ou le maître jeune, à l'administrationde la communauté paroissiale dans un système de démocratie directe, à base familiale. Et chaque paroisse déléguait des procureurs, munis d'un mandat impératif, à l'assemblée générale du pays, qui était le Biltzar en Labourd, le Silviet en Soule et les Cours générales des vallées et des pays composant la Basse Navarre. Dans une société sans Etat, le pouvoir appartenait aux maîtres de maison. Les Etats généraux institués en Basse Navarre par Henri II d'Albret, en 1523 après l'invasion de son royaume par Ferdinand le Catholique en 1512 et la séparation des deux Navarres, furent calqués sur les antiques Cortes du royaume de Navarre. Dès lors, ils ne se différenciaient pas des autres Etats généraux ou particuliers du royaume de France auquel la Basse Navarre fut incorporée en 1620. Ils étaient composés de représentants des trois ordres : Noblesse, Clergé et Tiers état, chacun ayant une voix. En Soule, où la féodalité avait aussi pénétré, on trouvait une organisation intermédiaire entre celle de droit commun et celle des assemblées basques ; au Silviet, assemblée populaire, s'était ajouté le grand corps qui réunissait les nobles et les clercs, lesquels n'avait, comme le Silviet, qu'une voix. Et, en 1730, la Soule perdit ses institutions ancestrales et fut assimilée aux autres pays d'Etats qui subsistaient en France. Seul le Biltzar du Pays de Labourd conserva jusqu'à la Révolution de 1789, son organisation ancestrale. Et c'est en Labourd qu'on retrouvait le mieux, à la veille du grand bouleversement révolutionnaire, les institutions démocratiques propres au peuple basque. Celles ci, issues de la longue et sage expérience des ancêtres, aboutissaient à un type de société unitaire, où les hommes étaient libres, où les maisons étaient juridiquement égales, où régnait l'égalité des sexes, où la propriété était collective, où l'individu s'effaçait devant l'intérêt de la communauté et où tous, solidaires et unis dans une même communauté d'intérêts, étaient responsables de l'avenirde leur pays. Maité Lafourcade, Professeur d'Histoire du droit à l'Université de Pau et des Pays de l'Adour, Faculté pluridisciplinaire de Bayonne