381 Zenbakia 2007-02-09 / 2007-02-16

Gaiak

Aperçu des traditions carnavalesques à Ustaritz lors des 150 dernières années

TRUFFAUT, Thierry

Ethnologue Diplômé de l' Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, doctorant en Anthropologie, ancien Président de la fédération Euskal Dantzarien Biltzarra (Iparralde) membre d' Eusko Ikaskuntza, Lauburu, La purtarrak...



Le 22 avril 18691 Julien VINSON relèvedans la fôret d’Ustaritz auprès d’informateurs le dicton suivant «Dantzari handi Arruntseko: grands danseurs d’Arrauntz» c’est le premier témoignage écrit que nous connaissons sur l’importance de la danse à Ustaritz. Derrière ce dicton se profile entre autres une belle tradition carnavalesques celle des danseurs appelés Kaskarot. Depuis Vinson, de nombreux auteurs se sont penchés sur cette coutume: Georges Hérelle, Louis Dassance, Violet Alford, Jean Michel Guilcher, Thierry Truffaut, Xabier Itçaina2.

Nous pouvons à Ustaritz sur les 15O dernières années repérer quatre grandes périodes dans la vie des traditions carnavalesques: a) Avant 1914

Kotilun Gorri costume réalisé dans les Années 1920 à Ustaritz pour le Musée Basque de Bayonne. Les traditions sont très vivantes sur l’ensemble de la commune, elles fonctionnent même par quartiers. Elles comprennent les tournées de jeunes hommes célibataires ou d’enfants appelés Maskak habillés de vieux vêtements, masqués récoltant des ½ufs des de la cochonnaille (ventrèches, lard, saucisses, oreilles...).

Sur le bourg la tournée est souvent organisée autour d’un déguisement en ours enchaîné et retenu par un autre jeune jouant le rôle de montreur.

Mais le plus remarquable c’est le cortège de danseurs appelés Kaskarot (c’était aussi des jeunes hommes célibataires). Il en eut parfois au bourg, à Herauritz et à Arruntz en même temps provoquant une certaine tension entre quartiers, pour à la fois se présenter grâce aux mères avec de beaux costumes mais surtout en veillant à bien danser. L’honneur du quartier était en jeu et les anciens vérifiaient la qualité de la représentation qui se déplaçait de maison en maison sur toute la commune mais allait aussi danser dans les villes plus importantes comme Bayonne, Biarritz... Ce groupe de danseurs faisait parti d’un cortège carnavalesque très similaire aux traditions de cavalcades ou de mascarades. Il possédait des mariés et plusieurs personnages déguisés: Kotilun gorri, Ponpierra, Besta gorri .La période de carnaval se terminait le soir du Mardi-Gras par le jugement et la crémation de Monsieur et Madame SAN PANTZART. De nombreux maskak dont certains en pleureuses participaient à l’événement.

Les deux guerres firent beaucoup de mal à la tradition. Elle continua avec les kaskarot mais avec la disparition progressive du grand cortège carnavalesque dansé et masqué.Les personnages apparaissaient de temps en temps au côté des danseurs et furent réduits au seul rôle de quêteur. Les maskak continuèrent plus ou moins leurs tournées jusqu à la fin des années 5o associés par intermittence à l’ours et à son montreur. Les groupes par quartier disparaissurent progressivement pour ne former qu’un seul groupe de Kaskarot pour toute la commune. Il faut aussi noter un groupe de carnavaliers habillés de Xamar et appelé Ganich d’Hérauritz à la fin des années 20. Mr et Mme SAN PANTZAR et leur cortège dans les années 1930. Kaskarot début des années 1960. C) De 1967 au milieu des années 1980

Kaskarot Années 70. Les derniers détenteurs de la tradition des kaskarot dont Mr Simon Telleria, proposèrent au groupe de danses Basques d’Ustaritz: Izartxo de reprendre le flambeau. Ils acceptèrent et fondèrent l’association Errobiko Kaskarotak qui continue encore aujourd’hui à maintenir vivante cette tradition avec un groupe composé de jeunes hommes uniquement (seul cas encore en place en Labourd où tous les autres groupes sont mixtes). Par contre les maskak, la tournée avec l’ours et le San Panzart disparurent. Durant cette période les travaux de Jean Michel Guilcher permettent au groupe de relancer certains des personnages masqués et de se réapproprier une partie du répertoire dansé. D) Du milieu des années 1980 à aujourd’hui

Ce qui faut remarquer et qui fait d’Ustaritz une commune quelque peu à part, c’est le maintien de la tradition des kaskarot associée à un renouveau du carnaval basé sur la connaissance des traditions et la vivacité créatrice de la culture basque. Cela à permis la création d’un festival Hartzaro qui dynamise toute cette région durant la semaine grasse. Le sommet est la réalisation le mardi gras un splendide spectacle populaire ou acteurs et spectateurs passent un moment mémorable. Cette fête associe les différents âges et sexes autour de l’ours, des Maskak /Zirtzilak, de personnages et danses inspirés de la Mythologie basque sans oublier la relance du jugement de San Pantzar avant que tout se termine par une folle danse collective autour de son bûcher. Tournée des maisons par les Kaskarot actuels 2004 (Photo T.Truffaut). Artza et son montreur 2006 (Photo T.Truffaut). A Ustaritz tradition et innovation font parti de la même dynamique celle d’un peuple qui connaît et sait puiser dans ses racines pour aller délibérément de l’avant. 1 VINSON, Julien, 1883, Le folk-lore du Pays-Basque, Maisonneuve et Cie,Paris, p 229. 2 HERELLE, Georges, 1925, Le théâtre comique basque, Honoré Champion, Paris. DASSANCE, Louis, 1927, “Les Sauts Basques et Les Vieilles Danses Labourdines”., Bulletin des amis du Musée Basque, p21 à 30. ALFORD, Violet, 1929, “French Basques : Cascarots and Cavalcades”, Music and Letters, vol 10 n° 2, Oxford University, pp 141-151 GUILCHER, Jean-Michel , “Danses et cortèges traditionnels du Carnaval en Pays de Labourd”, Bulletin du Musée Basque N°46, Société des Amis du Musée Basque, Bayonne. GUILCHER Jean Marie, 1984, La tradition de danse en Béarn et Pays Basque français, Paris, Maison des Sciences de l’Homme TRUFFAUT, Thierry, 1981, «La danse en Labourd», La danse basque, Lauburu, Bayonne, TRUFFAUT, Thierry, 1982, «Le Carnaval labourdin», Dantzariak N° 20, EOB, BilbaoTRUFFAUT, Thierry, 2005,“ Joaldun et Kaskarot. Des carnavals en Pays Basque”, Elkar, Saint Sébastien, 366p. ITCAINA, Xabier,1996, “ Danse, rituels et identité en Pays Basque nord”, Ethnologie française 1996 n°3, Armand Colin, Paris, pp 490-503. ITCAINA, Xabier, 2004, « Temporalités rituelles et changement social. La circulation du sens dans le calendrier festif d’un village basque » , Zainak n°26, Eusko Ikaskuntza, Donostia, p3315 à 336.