Les
vocations tardives sont souvent les plus ardentes…
Ce n’est que vers
le milieu des années 1930, elle a alors 50 ans, (étant
née en 1884 à Alos, en Haute-Soule) que Madeleine
de Jauréguiberry prend conscience du trésor irremplaçable
que constitue la langue basque et du devoir qu’ont tous les eskualdun
de transmettre cet héritage sacré des aïeux
aux jeunes générations.

Madeleine
de Jauréguiberry et l'abbé Lafitte en 1969.
Elle est alors –
ainsi que son frère Jean, médecin, de quatre ans
son aîné – militante enthousiaste du mouvement eskualerriste,
ce groupe de Basques qui, autour de l’abbé Pierre Lafitte,
essayait d’introduire des éléments de rénovation
et de modernisme dans la société ultra-conservatrice
d’Iparralde à l’époque.
Elle collabore à
partir de 1934 au mensuel de ce mouvement, Aintzina ;
elle y écrit dans chaque numéro un article en souletin.
Elle est surtout
la première présidente de l’organisation de femmes
basques Begiraleak fondée à Saint-Jean-de-Luz
au début de 1935. Elle y sera bien tôt rejointe par
des luziennes passionnées de langue et de culture basques
telles que Elise Arramendy, Madeleine Bribet et Antoinette Lacarra
( l’association culturelle luzienne Begiraleak, toujours
active de nos jours, est la continuation de ce mouvement de 1935).
La traduction que propose Madeleine de Jauréguiberry pour
Begiraleak est : « Les Gardiennes » (de
la langue, de la foi et des traditions basques). Cette organisation
qui compte en mars 1937, 31 groupes locaux en Iparralde s’inspire
largement du mouvement de femmes d’Hegoalde, Emakume Abertzale
Batza, fondé en 1922 à Bilbao et qui va connaître
dans les années 1930, un essor prodigieux jusqu’à
réunir 20 000 membres.
Lorsque la guerre
civile d’Espagne éclate en juillet 1936, Madeleine de Jauréguiberry
se range totalement et sans réserves du côté
des nationalistes basques. C’était une attitude courageuse
car à contre-courant de la majeure partie de l’opinion
publique d’Iparralde de l’époque, prisonnière de
la campagne de calomnies des franquistes présentant les
nationalistes basques comme autant de « rouges » et
de « chrétiens égarés » trompés
par des « prêtres pervertis ». Après le
bombardement de Gernika, lorsque les réfugiés basques
arrivent par dizaines de milliers dans l’Hexagone , elle
entreprend de visiter des personnalités catholiques prestigieuses
(parmi lesquelles à Paris Jacques Maritain et à
Rome Mgr Mateo Mugica, expulsé de son diocèse de
Vitoria par les franquistes) pour les intéresser au sort
du peuple basque.
Son action en faveur
du bilinguisme et pour l ‘introduction dans l’apprentissage
de la langue basque des nouveaux moyens de diffusion que représentent
alors le disque et le magnétophone, sera inlassable. Elle
tient dans Le Miroir de la Soule, pendant de longues années
et jusqu’à sa mort survenue en 1977, une chronique où
elle vante continuellement les trésors et les mérites
de la langue basque, plus particulièrement dans sa variété
dialectale souletine.
Elle ne rechercha
pas les honneurs qui lui vinrent sur le tard, membre d’honneur
de l’Académie de la Langue Basque en 1975, Commandeur des
Palmes Académiques en 1976. Elle fut simplement l’illustration
parfaite de la devise qu’elle a maintes fois citée dans
ses chroniques du Miroir de la Soule :
Bethi aintzina,
chuchen chuchena dabila Eskualduna
Jean-Claude
Larronde, membre d'Eusko Ikaskuntza - Société d'Études Basques |