Contexte interculturel
La coopération transfrontalière aux frontières
franco-allemandes a permis de réaliser de nombreux projets,
à la fois lieux de réalisation et d'expérimentation
sur des champs très divers (aménagement du territoire
et environnement, sécurité intérieure, affaires
sociales, culture, sécurité et médecine du
travail, cours de langues, formation et échanges de fonctionnaires...).
Ces coopérations nécessitent de nombreuses rencontres,
réunions, colloques devant favoriser la coopération
entre des structures et des acteurs publics et privés. Les
premières difficultés résident dans les différences
d'organisation politico-administratives entre les pays, dans des
réglementations, des répartitions de compétences
différentes où chacun est à la recherche de
son « homologue », dont l´expérience montre
qu'il est souvent « mythique »
. Tous ceux qui
ont une expérience transfrontalière reconnaissent
- au minimum intellectuellement - cette réalité dans
laquelle la méconnaissance ou la connaissance approximative
de la langue voisine constituent un facteur aggravant.
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L'Euro-Institut organise de nombreux séminaires
bi-nationaux pour faciliter la coopération entre les
services des deux pays, par exemple entre Police, Justice et
Gendarmerie. |
Le deuxième niveau d'expérience et de compréhension
(ou d'incompréhension ?), plus difficilement perceptible
et acceptable concerne la dimension « interculturelle »,
l'acceptation, le décodage, la compréhension profonde
des éléments culturels dans nos pays respectifs.
Ces situations peuvent être la cause de difficultés
et de malentendus, de dysfonctionnements pour ne pas dire de projets
« avortés », qui ne verront pas le jour faute
de connaissances interculturelles, mais la coopération peut
aussi permettre la découverte et le développement
de champs complètement nouveaux et constituer des lieux d'enrichissement
mutuels.
Ma demarchè a la fois pragmatique et theorique
Les réflexions qui suivent sont le fruit d'un travail quotidien
de médiation, d'animation et de suivi en étroite collaboration
avec des acteurs publics français et allemands dans des fonctions
de direction d'une structure bi-nationale, d'ingénierie pédagogique
transfrontalière et de conseil entre des acteurs publics
répondant à des stratégies et des logiques
différentes.
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L'Euro-Institut facilite le rapprochement, la
compré-hension par delà les frontières,
il " met de l'huile dans les rouages ". |
L'Euro-Institut - Institut pour la coopération transfrontalière
- est un organisme franco-allemand de formation continue appliquée,
centre de compétences en matière de coopération
transfrontalière entre les deux pays ainsi qu'avec d'autres
pays européens.
Les membres sont l'Etat français, le Land du Bade-Wurtemberg,
la Région Alsace, le Département Bas-Rhin, l'Ortenaukreis,
la Communauté Urbaine de Strasbourg, la Ville de Kehl, l'Université
Robert Schuman de Strasbourg et la Fachhochschule de Kehl - Hochschule
für öffentliche Verwaltung. Il est implanté à
Kehl, directement sur la frontière franco-allemande, en face
de Strasbourg. Il réalise de nombreux séminaires entièrement
dans les deux langues.
Les éléments de réflexion qui suivent sont
nourris à la fois d'une expérience appliquée
dans les deux langues et les deux cultures, ils s'appuient aussi
sur des travaux scientifiques, en particulier ceux de Jacques Demorgon.
Une démarche interculturelle a pour but :
1. de faire apparaître les différences de mentalité
dans des pays différents,
2. d'en étudier les racines culturelles et les conséquences
concrètes (par exemple dysfonctionnements, malentendus dans
la communication ...),
3. de proposer des outils d'analyse pour faciliter la coopération,
que ce soit lors des réunions bi-nationales institutionnelles,
groupes de travail opérationnels et bien sûr séminaires
comme ceux que l'Euro-Institut réalise.
De plus, s'agissant du management interculturel franco-allemand,
il y a lieu d'accorder une place spécifique au transfrontalier,
en particulier au regard de l'histoire d´une région
marquée par des conflits dans le passé.
Difficultés dans l'approche interculturelle
1ère difficulté
Très souvent, l'outil utilisé dans les relations
entre des groupes différents (ici les Français et
les Allemands) est l'approche comparative descriptive,
« les Français sont comme-ci, les Allemands sont comme-cela
». Il s'agit de l'outil le plus couramment utilisé
pour découvrir / décrire l'autre.
Il est important d'avoir présent à l´esprit
que c'est toujours l'esprit humain qui décrit à partir
de sa réalité. Mais il n' y a pas de différence
réelle.
Cette démarche de généralisation ne
doit être ni acceptée ni refusée, mais il faut
être conscient qu'il n'y a jamais de bons niveaux.
Ce type d´approche descriptive, généralisante
se retrouve souvent risquant de renforcer les stéréotypes,
d'ériger de simples constats en vérités et
de réduire la complexité de la réalité.
C'est ainsi par exemple que même le Ministère des
Affaires étrangères publie des guides de bonnes conduites
à destination des personnels candidats à des missions
à l'étranger ou à l'expatriation.
En résumé, il ne s'agit pas de rejeter en bloc ce
type d'approche descriptive qui permet, pour le moins, d'éviter
des maladresses criantes mais d'être conscient de ce qu'elle
est très largement insuffisante.
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Un groupe transfrontalier au travail. |
Autre type de description : la particularisation
Très souvent, on désigne une personne par un détail
dans un tout (il a les yeux bleus, elle a des cheveux longs,
) et pour certains cela constituera son identité.
En fait, c'est la synthèse entre ces deux approches - généralisation
et particularisation - qui va souvent constituer la singularisation
ou la singularité qui engage la personne. L'autre est et
reste une personne irréductible.
Cet autre, même s'il est le produit d'une culture, ne se
laisse pas réduire à une caricature.
En résumé, la difficulté dans l'approche
descriptive réside dans le fait que l'on utilise des constats
statistiques (forcément limités) pour établir
une vérité, alors qu'un être humain est toujours
le fruit à la fois de sa personne et de sa culture, qu'il
se situe aussi dans une stratégie et qu'il est constamment
en situation d'adaptation.
L'important sera donc de distinguer ce qui est de l'ordre du personnel
et ce qui est de l'ordre du culturel, les êtres humains et
leur environnement, en sachant que tout être humain peut se
centrer alternativement sur lui-même et sur son environnement.
2ème difficulté : la résistance à
l'interculturalité
Deux types de réactions par rapport à la question
de différences dans les cultures se rencontrent :
1. Les « sceptiques », qui de peur de
reproduire des clichés et des stéréotypes nient
ou réduisent les différences culturelles. Les arguments
souvent avancés sont des différences de régions,
de métiers, de formations, de cultures d'entreprises, voire
de caractères...
2. Les « fanatiques » des différences
culturelles : ce sont souvent des personnes mal à l'aise
avec la culture « autre », par exemple allemande, et
qui, dans leur désarroi, ont très nettement tendance
à accentuer cet aspect, à majorer la dimension interculturelle.
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Evelyne Will, directrice, en animation de séminaires. |
Il importe de bien dégager de ce qui est de l'ordre de la
dimension interpersonnelle, de l'ordre des stéréotypes
et ce qui est de l´ordre de la culture.
Là intervient une nouvelle difficulté qui réside
dans le fait que sur le plan culturel, on est peu enclin ou on ne
sait pas analyser les éléments constitutifs de sa
propre culture et encore moins de la culture des autres.
Il est en effet indispensable de comprendre d'abord les fondements
de sa propre culture pour pouvoir mieux comprendre la culture de
l'autre.
Il s´agit pour tous :
- d'apprendre à découvrir / comprendre l'intelligence
du système de l'autre,
- de trouver les clefs d'une communication améliorée,
compréhensive, qui se situe au-delà des analyses
interpersonnelles dans un avenir « à inventer »
constamment.
Ces études sont en cours, c'est un travail de fond, interdisciplinaire,
exigeant, passionnant (incluant à la fois l'histoire, l'anthropologie,
la sociologie, la psychologie, les facteurs éducatifs, les
aspects religieux
).
Pour toutes ces raisons, l'Euro-Institut est très ouvert
à toute forme d'échanges et de transfert de savoir-faire
avec d´autres régions frontalières et en particulier
avec le pays basque.
Evelyne Will
Directrice EURO-INSTITUT
E-mail : euroinstitut@euroinstitut.fh-kehl.de
Internet: www.euro-institut.fh-kehl.de
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