Les traités de Bonne correspondance entre Bayonne, le Labourd et le Guipuzcoa aux XVI° et XVII° siècles
Caroline Lugat

Les conflits interétatiques sont toujours des périodes difficiles pour les populations. Fort heureusement, durant l’Ancien régime, elles en étaient exclues car la guerre était une affaire de professionnels. néanmoins, la vie quotidienne était perturbée et notamment tout ce qui avait attrait au commerce puisqu’il était interdit avec les nations ennemis.

Les trois provinces maritimes basques, le Labourd, le Guipuzcoa et la Biscaye, qui dépendent étroitement au point de vue économique de la pêche et du commerce maritime, vont essayer d’élaborer une solution pour sauvegarder leurs intérêts lorsque surviendra un conflit entre la France et l’Espagne.

Photo: http://www.saraphina.com

La solution va prendre la forme des traités de Bonne correspondance, traités de commerce et de navigation, inspirés des conventions de paix passées entre différentes villes du Labourd et du Guipuzcoa durant le Moyen-Age.

Des historiens locaux de la fin du XIX° et du début du XX° siècle se sont intéressés à ces conventions pour en soulever l’originalité à travers l’étude des traités eux-mêmes, conservés notamment aux archives municipales de Bayonne.

Cependant, leur réalité juridique, plus précisément, ce qui concerne leur autorité et leur application effective ne pouvaient être suffisamment perçues par l’étude seule des traités. La recherche d’autres documents originaux s’avéraient donc nécessaires. Les archives françaises vont se montrer beaucoup plus riches que les archives espagnoles, ayant malheureusement souffert de dispersion ou de destruction. Outre les fonds contenus aux archives municipales de Bayonne et de Saint-Jean de Luz, les registres de l’amirauté de Bayonne (aux archives départementales à Pau) vont apporter des connaissances nouvelles.

Il existe sept traités de Bonne correspondance passés entre la province du Labourd, le gouvernement de Bayonne avec le Guipuzcoa (et la Biscaye) : deux dans le courant du XVI° siècle (1536-1537), moins élaborés que ceux du XVII° siècle qui auront atteint leur maturité normative. Le traité de 1654 servira d’archétype commun à ceux qui suivront : 1668,1675, 1690 et 1694.

Ces traités sont une illustration de l’ingéniosité des Basques à tirer profit d’une situation défavorable. A l’aide de ces traités, ils vont obtenir la permission de leur monarque respectif de continuer leur relation commerciale, normalement interdite par la guerre qui oppose leurs pays l’un contre l’autre ainsi que leur commerce international, en toute légalité, avec l’aide de passeports.

En conséquence, en période de guerre où les prises de bateaux ou marchandises ennemis par les corsaires sont légales et réputées de bonne prise, tout navire basque français ou espagnol, en possession d’un passeport en cours de validité, se retrouve exclu des prises. Et si le navire ou la marchandise venait quand même à être pris, le jugement sur la validité de la prise serait en faveur de sa restitution.

Ceci démontre que l’autorité des traités de Bonne correspondance dépasse assez largement le cadre purement local. De plus, les traités fixent une zone de neutralisation des eaux du golfe en les assimilant à des eaux territoriales avec des limites très larges.

Ainsi, ces traités font état de concepts en matière de droit international nettement en avance sur leur temps et traduisent une grande autonomie dont ces provinces pouvaient encore jouir à la fin du XVII° siècle. Les traités de Bonne correspondance disparaîtront au cours du XVIII° siècle en raison de la raréfaction des conflits franco-espagnols mais également en raison de la montée de protectionnisme du côté espagnol et de conflits qui opposeront de plus en plus les provinces signataires elles-mêmes entraînant la détérioration de leur relation économique et la disparition de l’esprit de la bonne correspondance.


Caroline Lugat, Faculté pluridisciplinaire de Bayonne/Anglet/Biarritz
Photos: http://www.basque-eurocity.org

Euskonews & Media 182.zbk (2002 / 10 / 4-11)


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