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Jacques
Pavlovsky est né à Saint-Jean-de-Luz. Photographe
de profession, il s'est spécialisé dans la
photographie de presse et notamment sur l'Irak, pays qu'il
a couvert dix ans durant. Il est aujourd'hui à la
retraite et vit sur Urrugne. |
-Pourquoi vous
êtes-vous lancé dans une carrière de photographe?
Je suis né à Saint-Jean-de-Luz et mon père
était architecte. Au départ, bien sûr, mon
père voulait que je sois également architecte, mais
je ne voulais pas. Dans le fond c'est mon père qui m'a
initié à la photographie puisqu'il en faisait beaucoup.
Nous avions un petit laboratoire photo, et les dimanche, je passais
des après-midi à le regarder développer.
Le révélateur, le papier, l'image qui apparaît
tout d'un coup sur le papier avaient, pour moi, un petit côté
magique. De plus, comme la plupart des jeunes de l'époque,
je lisais beaucoup de livres, dont Kessel, qui donnaient envie,
un jour, de devenir journaliste.
-Pourquoi la photographie de reportage? Je suis allé aux Beaux-Arts
parce que mon père le voulait absolument, puis j'en ai
eu marre, et j'ai tout arrêté. Saint-Jean-de-Luz,
à l'époque, était assez calme, et étant
ici je n'avais aucune idée de ce qui se passait ailleurs.
En arrivant à Paris j'ai connu la vie d'une cité
et d'un pays, et ça m'excitait beaucoup. J'observais avec
beaucou d'attention les différents événements.
J'ai donc fait l'école de photographie, et après,
je suis allé à l'armée. Grâce à
ma formation de photographe, je me suis ensuite installé
comme photographe de pub. Mon studio marchait très bien,
mais je m'ennuyais.
Puis un jour, en bas de mon studio, j'ai entendu du bruit. J'ai
regardé par la fenêtre et j'y ai vu une grosse manifestation.
Je n'avais pas de matériel sur moi, Je suis donc allé
chez un photographe et j'ai acheté un petit appareil 24
x 36. En fait, c'était le début de mai 68. À
partir de ce jour-là, j'ai tout arrêté et
je me suis lancé dans les histoires de la rue.
-Même
si avec le temps vous êtes rentré dans l'agence Sigma,
cela n'a pas dû toujours être facile. Il y avait une agence
qui me connaissait. J'ai été les voir pour leur
proposer mon travail, et cela leur a plu. Grâce à
ce premier travail, j'ai fait mes deux premières parutions
dans la presse nationale et internationale. C'est donc parti comme
cela. Après j'ai connu tous les aléas de la vie
d'un photographe. Je ne connaissais personne, je n'avais pas de
possibilité de rentrer travailler dans des journaux. J'ai
tout de même fait mon petit chemin tranquille. À
l'époque il y avait l'agence Gamma, mais je n'y étais
pas, puisque j'étais chez Rapho, dans une très grosse
agence qui faisait surtout de l'illustration, pas d'infos. Et
quand l'agence Sigma s'est créée, ils m'ont demandé
de travailler pour eux, et j'ai dit oui. J'y suis rentré
trois ou quatre mois après leur installation. À
ce moment-là, l'agence Sigma était une boîte
très bien, très humaine. Nous faisions des grands
reportages. Mon premier sujet à l'époque, avait
été le discours du Pape à Rome pour Pâques.
-Quelle était la particularité de l'agence Sigma?
Sigma est une agence d'actualité internationale destinée
aux magazines, donc axée sur la qualité. Le magazine
ce n'est pas du quotidien. Nous avions des moyens, une rédaction
très efficace, une grande rapidité de réaction
et très au point.
-Aujourd'hui les nouvelles technologies ont beaucoup évolué.
Le travail devait sûrement être beaucoup plus difficile
à l'époque?
Cela n'a pas tellement évolué. Ce qui a évolué,
depuis deux ou trois ans, c'est la transmission. Cela m'a d'ailleurs
beaucoup étonné, puisque le fonctionnement n'a pas
tellement changé.
Quand on est photographe, pour aller sur les sujets où
qu'ils soient, il n'y a qu'une technique, c'est d'arriver le plus
vite possible, et essayer de le faire avec une vision différente
de l'actualité quotidienne dans notre cas, puisque l'on
travaille pour des magazines.
D'une part, il fallait réagir très vite, puis, bien
sûr, faire les images, et enfin les renvoyer. Celui qui
faisait le quotidien devait aller vite mais, nous, nous avions
plus de temps. On expédiait les bobines par avion. On les développait,
et comme Paris était un carrefour aérien, avec un
décalage horaire de six heures par rapport aux Etats-Unis
en notre faveur, nous avions le temps d'envoyer les photos, de
les développer et de les envoyer aux Etats-Unis. Nous avions
beaucoup de contrats avec les Etats-Unis car c'étaient
les seuls qui payaient vraiment.
-Vous aviez une spécialisation.
Quand
on arrivait à une certaine notoriété professionnelle,
chaque photographe avait une spécialité. Moi c'était
l'Irak. Dès qu'il y avait un événement en
Irak, j'y allais, et les Américains payaient en général
une partie des frais. Au Moyen Orient les frais étaient
plus importants, surtout à cause des services de sécurité.
Grâce au système inventé par Sigma, qui a
été imité par deux ou trois agences plus
tard, les frais étaient payés par le photographe
et l'agence, moitié moitié. De fait c'était
l'agence qui avançait l'argent, et quand on vendait des
photos, on touchait 50 % des ventes. Nous n'étions pas
salariés. Donc si on vendait bien tout allait bien, par
contre si nous ne vendions pas c'était à nos frais.
Mais en général les photographes travaillaient,
et l'on vendait très bien.
-C'était pour vous plus facile de passer par une agence
de photographie, plutôt que de travailler
comme indépendant ou pour un quotidien.
Ce n'est pas comparable. Quand on travaille avec une agence, on
a un soutien moral, financier et technique. On n'est pas abandonné.
Le fait de travailler seul doit être ingérable, car,
d'une part, il faut de l'argent, et il faut pouvoir gérer
les films. Grâce à l'agence, nous avions des circuits
commerciaux. Maintenant depuis deux ou trois ans la situation
a changé, parce qu'on numérise les images. Le numérique
transforme complètement ce métier.
-'Agence Sigma a aujourd'hui disparu.
Elle a été rachetée par Bill Gates. Il a
monté une boîte, une sorte de banque d'images, et
a racheté plusieurs agences de photographies en France
et dans le monde. On a eu des grosses désillusions car
ils ne savent pas gérer les images, et depuis deux mois,
ils ont renvoyé tous les photographes. Sigma était
centré sur la production et donc, sur la qualité
de l'image. En renvoyant les photographes l'agence n'est plus
qu'une boîte de production. Ils utilisent des images existantes
en les numérisant. Nous sommesd'ailleurs tous en train
de signer des contrats.
-Pourtant, au niveau de l'image il y a les droits d'auteur.
Oui. En fait lorsqu'ils ont racheté Sigma, ils ont pensé
mettre tous les photographes sous le droit américain pour
ne pas avoir à payer les droits d'auteur. Tout le monde
a réagi, ils ont dû faire marche arrière.
En droit français il y a des avantages, puisque nous restons,
nous photographes, propriétaires de nos images. Il y a
des images qui commencent à rentrer dans le domaine de
l'histoire, ces images se vendent systématiquement dans
les journaux ou les livres. Donc nous, en tant que photographes,
on continue de toucher des droits.
-C'est la numérisation qui a fait que ces agences
disparaissent petit à petit?
Oui sûrement. C'est un concours de circonstances. Il y a,
tout d'abord, une question de génération. Puis il
a eu la numérisation qui transforme les systèmes
et qui fait, qu'avant, les photographes d'agences quotidiennes
faisaient du quotidien et nous nous faisions du magazine, et maintenant
tout cela est en train de se mélanger.
-La numérisation
est tout de même un avantage.
En soi oui c'est un avantage. Mais c'est aussi la transformation
d'un système de travail et d'archivage. Aujourd'hui ça
coûte cher d'archiver des photographies, puisqu'il faut
des gens compétents, il faut trier dans les stocks d'images
non numérisées. Il y a actuellement deux grandes
banques d'images. Le système du numérique est aujourd'hui
acquis pour les photographes. C'est vrai que la numérisation
a beaucoup apporté, mais expédier les films par
avion c'était bien aussi ! C'était plein de frissons,
nous ne savions pas comment ça allait arriver... Il y avait
en ce sens un stress supplémentaire.
-Quelles sont
les difficultés que peuvent rencontrer les photographes?
La constante c'est que chaque fois que l'on va sur un sujet on
ne sait pas sur qui on va tomber. Il y a une appréhension
permanente. On ne sait pas comment ça va se passer. L'expérience
personnelle sert un peu, mais pas beaucoup. Il n'y a pas d'acquis.
Nous avions une concurrence redoutable. Il n'y a pas de petit
ou grand sujet, il faut être bien devant chaque sujet. Le
problème quand on est photographe c'est d'être confronté
à un sujet. C'est ça la difficulté d'un reportage.
-Comment vous avez débuté dans les sujets
de presse?
Moi j'ai commencé par la photographie très personnelle.
J'adorais les belles images, mon père m'avait initié
à ça. Et au fur et à mesure que j'ai avancé
dans l'âge, et aux différents boulots que j'ai faits,
j'ai été confronté à cette réalité
du sujet de presse. Le sujet de presse, c'est simple, on va quelque
part à la place des autres, et il faut transmettre aux
gens ce qu'on a vu. Il faut donc rester froid. En photo, on a
un problème par rapport au journalisme écrit c'est
que la technique est un élément assez terrorisant
car on ne sait jamais jusqu'à la fin comment ça
a fonctionné, si on a pris
le bon cadre... De plus on ne sait jamais comment un événement
va évoluer.
-Vous avez fait beaucoup de gros événements
au cours de votre carrière.
Oui, j'ai fait la guerre Iran-Irak pendant presque dix ans. J'ai
été au Vietnam et en mer de Chine pendant un an.
Quand on est photographe de presse, on n'arrête pas, un
sujet en chasse un autre.
-Au fur et à mesure, vous n'aviez pas tendance à
vous impliquer d'avantage dans les événements?
La pression professionnelle fait que dès notre arrivée
sur les lieux du conflit, on doit rester assez froid. C'est vrai
qu'il y a des moments où l'on a tendance à plus
s'impliquer que d'autres. Il faut rester quand même le plus
objectif possible. Mais c'est vrai qu'il y a des conflits, où
à force de les voir se taper dessus...à la fin,
je ne m'impliquais plus. Je faisais proprement mon boulot. Le
fait de travailler dans ces agences, c'est qu'il y a une telle
variation des sujets qu'on arrive très vite à être
assez clair dans ses comportements, et à juger vite.
-Vous voyagiez
beaucoup, du point de vue personnel cela ne devait pas être
facile?
Oui, et puis l'actualité est faite de telle manière
que l'on sacrifie tout pour le travail. Mais ça ne doit
pas être si mal que ça, car j'ai quatre enfants :
ma fille travaille à Sigma, mon fils aîné
est réalisateur. Donc ils n'ont pas gardé un mauvais
souvenir.
-Comment faisiez-vous
pour accéder à l'information?
Dans ces pays l'accès à l'information était
très difficile. Ils verrouillaient les visas. Mais avec
l'agence nous avions des systèmes pour faciliter l'accès
à l'information. Moi ils m'ont bien accepté. J'ai
eu l'occasion de voir Sadam Hussein deux fois. Ce qui est un grand
exploit car nous sommes très peu à avoir pu l'approcher
deux fois de suite.
-Vous avez
passé de nombreuses années de part le monde, et
lors de votre retour au Pays Basque, vous vous êtes axés
sur la photographie de paysage. Est-ce dû à un besoin
de se reposer un jour? Il y a quelqu'un qui m'a dit
un jour : " tu ne te rends pas compte qu'il y a aussi des enfants
qui rient et qu'il n'y a pas que le drame dans la vie ". et à
ce moment-là, je me suis posé la question, la valise
toute la journée c'est bien, mais. Et je me suis dit que
j'avais beaucoup plus de choses à faire que de passer ma
journée à courir à droite et à gauche.
Puis un jour j'ai arrêté, et je suis revenu à
Saint-Jean-de-Luz. Je suis ravi, car j'ai pu faire beaucoup de
choses. Je fais maintenant des images quand je veux et comme je
veux, je n'ai plus d'obligation. Par exemple, j'ai travaillé
pendant deux ans avec le ballet de Biarritz de Thierry Malandain
pour essayer de faire une série libre sur la danse. Cela
a été une grosse aventure et ils ont décidé
de faire un petit livre avec ces photographies. C'est très
agréable de faire des choses qu'on a envie de faire librement.
Ce qui est formidable dans la photographie c'est qu'on peut faire
de la photo jusqu'à 150 ans. Il y a tellement de variantes
possibles dans l'image.On peut tout faire.
-Cela ne vous manque pas de repartir au bout du monde?
Non. Au début c'était difficile, mais après
plus du tout. Je suis toujours attaché à l'information,
mais je n'ai plus envie de partir. Puis j'ai eu de la chance quand
je suis revenu au Pays Basque, puisque mon père était
architecte, et on m'a tout de suite demandé de faire un
livre sur lui. J'étais aussi passionné de Pottok,
j'ai donc fait un livre là-dessus, puis depuis deux ans
je fais des recherches sur mon grand père qui était
un
révolutionnaire Russe et avait écrit un livre en
1884 qui s'appelait " visite au Pays Basque ". J'ai fait des choses
que je n'aurais jamais pu faire si j'avais continué dansmon
travail.
Jacques
Pavlovsky
Né
à Saint Jean de Luz en 1931, d’André
Pavlovsky, architecte et de Yvonne Longi.
Etudes à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris
(atelier Leconte) l’Ecole Vaugirard de Photographie
et de Cinéma Photographe
Publicitaire puis d’Illustration. J’achète
mon premier 24/36 (Nikon). Premières
photos de news a Paris lors des évènements
de Mai 68. Intègre
l’Agence de Presse Photographique Rapho à
Paris puis
en 1974, juste après sa création,
rejoint le staff de l’Agence de Presse Sygma. Principaux
reportages :
. Fin du Vietnam
en avril 1975
. Front Polissario
. Salvador
. Fin du franquisme,
avènement du roi Juan Carlos
. Khomeyni en France
et en Iran
. Mer de Chine (boat-people)
pendant 10 mois
. Guerre Irak-Iran
pendant prés de 10 ans
. Les 12 Pays d’Europe
avant 92
. Attentats, catastrophes
en tous genres dans le monde entier
. Personnalités
politiques françaises et internationales.
. etc.… etc…
1991-92 Président
de l’Association Nationale du Pottok. Membre
du Conseil d’Administration du Centre National
Chorégraphique «Ballet Biarritz» de Thierry
Malandain
Livres:
- «L’Architecture
d’André Pavlovsky, la Côte basque
des années trente» en
collaboration avec Maurice Culot, directeur
du département de l’histoire contemporaine
à l’Institut français d’Architecture.
1991
- «Pottoka, le petit
cheval basque» 1994 bilingue
français basque, traduction du français
au basque par Danielle Albizu
Expositions
individuelles en
Pays Basque:
. «Reportages» Bayonne
Scène Nationale 1993
. «L’aurresku» Musée
de Guéthary et Ego Alde
. «Pays basque»
Le Colisée Biarritz 1998
. «Lumières
de Biarritz» Espace Bellevue 1999 |
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Photos: Ainize Butron
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Euskonews & Media 171.zbk
(2002 / 6 / 14-21)
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