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                      Título de la publicación: Revista 
                      Internacional de los Estudios Vascos Año 
                      de la publicación: 1907 Páginas 
                      del artículo: 441-452 
 Resumen: 
                      Comentarios 
                      sobre el origen ibérico de la lengua vasca y estudio 
                      de varias inscripciones, supuestamente en lengua ibera, 
                      en medallas y placas. El autor concluye que la lengua que 
                      se hablaba en el norte y este de España presente 
                      en algunas inscripciones y que se escribe de izquierda a 
                      derecha es diferente del euskera. |  La 
 théorie ibéro-basque de Guillaume de Humboldt n’était 
 que la régularisation scientifique d’une hypothèse 
 déjà ancienne: les écrivains des derniers 
 siècles, littérateurs, historiens, géographes, 
 avaient fait un raisonnement logique, mais enfantin: puisque, 
 disaient-ils, il y a eu en Espagne des habitants antérieurs 
 aux Romains, aux Carthaginois et aux Celtes, et puisqu’on parle 
 encore, en un coin de la Péninsule, un idiome qui n’est 
 ni celte, ni punique, ni latin, le basque est évidemment 
 la vieille langue originale. Et c’est ainsi qu’on a été 
 amené à expliquer, ou plutôt, à chercher 
 à expliquer par le basque les légendes monétaires, 
 les monuments épigraphiques que le latin ou le phénicien 
 ne pouvait suffire à interpréter. Je n’insiste pas 
 sur l’histoire des études ibériennes, sur les objections 
 que souleva la théorie de Humboldt, notamment de la part 
 de M. Van Eys et de la mienne. Tout dernièrement, un jeune 
 savant, M. E. Philipon, a cherché à ruiner définitivement 
 cette théorie, en montrant que la langue ibère avait 
 un caractère indo-européen três prononcé: 
 les démonstrations de M. E. Philipon ne me paraissent pas 
 décisives; il a d’ailleurs aussi, à mes yeux, le 
 tort de s’attacher trop étroitement aux théories 
 de l’école des néo-grammairiens allemands, M. Brugmann 
 et autres. Grâce à la belle publication 
 de M. Ém. Hübner, l’étude des monuments, qui 
 sont parvenus jusqu’à nous, de la langue ibère est, 
 à la portée de tous. Ces précieuses reliques 
 consistent en quelques mots rapportés par les vieux auteurs; 
 en noms propres, géographiques pour la plupart, en médailles, 
 en inscriptions. Les légendes monétaires et les 
 inscriptions sont écrites, le plus souvent, au moyen d’un 
 alphabet dérivé du phénicien; quelques-unes 
 sont en lettres latines cependant. Sans affirmer qu’elles soient toutes 
 d’une exactitude absolue, on peut adopter, pour les caractères 
 ibères, les lectures de M. Hübner; elles sont certainement 
 plus exactes en tout cas que les divers systèmes qui ont 
 été proposés avant lui. AU premier coup d’oeil, rien dans 
 ces mots, dans ces transcriptions, ne paraît basque. Des 
 fantaisistes ont bien vu idibidea «chemin de boeuf», et 
 orospidea «chemin de veau» dans les noms donnés 
 par Pline à deux chaînes de montagnes, idubeda 
 et orospeda; mais... On peut, avec plus de vraisemblance, 
 assimiler l’oeaso de Strabon à l’Oyarzun des 
 environs de Saint-Sébastien: oyarzun, ou mieux oiharzun, 
 veut dire «écho»; c’est un composé polysynthétique 
 de oihu «cri», harri «pierre, roc, mont», zu 
 «dérivative locative» et n suffixe participial. Si nous nous occupons tout d’abord 
 des textes en caractères latins et des mots, fort peu nombreux, 
 recueillis par les écrivains de l’antiquité classique, 
 la première question qui se pose est l’exactitude des transcriptions. 
 Nous avons un moyen de contrôle dans les légendes 
 monétaires: quelques-unes offrent le même nom topographique 
 en ibère et en latin; d’autres, en ibère seul, sont 
 avec certitude appliquées à des localités 
 dont les noms sont déjà connus. J’ai fait, en conséquence, 
 le tableau suivant où l’italique donne la forme ibère, 
 suivant la lecture de M. Hübner: arcailiqš argaeli, 
 aušescn ausa, calaqriqš calagurris, cšthle castulo, 
 cesse cissa, dmaniu damania, diniu dianium, 
 duriasu turiaso, htkšcen otogesa, iešh iesso, 
 ilurir iliberris, iltrcescen ilergetes, iltrd 
 ilerda, ilthraca iliturgi, laiešcen laeetari, 
 nertšp nertobriga, plplis bilbilis, qnthrpa contrebia, 
 saitp saetabis, šeqprices segobriga, šeqšanhš 
 segisama, untcescn indicetes, urkekn urci, usecrth 
 osicerda. Il résulte de ce tableau d’abord que le latin 
 représente parfois une forme différente de l’ibère 
 (aušescn, ausa; htkšcen, otogesa; ilurir, iliberris 
 (1); 
 nertšp, nertobriga) et, qu’en général, d’ailleurs, 
 la correspondance est exacte. Il n’y avait donc pas d’insurmontables 
 difficultés de prononciation; le h, rendu, tanôt 
 par une voyelle, tantôt par un g, n’était 
 évidemment qu’une aspiration ordinaire, ne ressemblant 
 en rien à la jota ou aux gutturales arabes; la jota 
 s’est, on le sait, développée assez tard et 
 provient d’un y semi-voyelle, d’un l latin mouillé. 
 Les explosives dures et douces sont mises souvent l’une pour l’autre, 
 ce qui n’étonne pas chez des transcripteurs qui n’avaient 
 pas l’oreille exercée et attentive des linguistes; dans 
 l’ibère, t, th, — c, k et kh, q — 
 s, š, šh — et même n et m, paraissent 
 souvent employés l’un pour l’autre. Tandis que les voyelles 
 initiales sont exactement conservées, les autres paraissent 
 moins fidèlement rendues: peut-on en conclure que l’accent 
 était sur la première syllabe? Entre deux consonnes, 
 les voyelles sont souvent omises. Enfin, de certaines formes (auše, 
 ausa; cašthle, castulo; iešh, iesso; htkš 
 otogesa; iltrd, ilerda; cesse, cissa), nous 
 pouvons déduire que les noms ibères se terminaient 
 souvent par une voyelle sourde, atone, quelque chose comme notre 
 e muet, que les latins représentèrent par 
 a, e, o, ou qu’ils n’écrivirent pas; de là, 
 les variantes dans les légendes, comme arse, ars et 
 arsa. L’alphabet phénicien, d’ailleurs, n’était 
 pas fait pour l’ibère et n’y était adapté 
 que très approximativement. Si maintenant nous examinons les 
 médailles et les inscriptions en elles-mêmes. nous 
 verrons qu’elles se classent en trois catégories, celles 
 du S.-O. écrites en caractères latins, celles du 
 S. En caractères ibères, mais de droite à 
 gauche, et celles du N. et de l’E. écrites de gauche à 
 droite. Il est facile de remarquer, dans le recueil de M. Hübner, 
 que ces trois systèmes correspondent à des terminaisons, 
 des formes, des mots d’allures différentes. Il y a donc 
 là très probablement des langues différentes. Je ne prétends m’occuper ici 
 que de celles du N. et de l’E. Les médailles de ces régions 
 offrent a priori deux types caractérisés, 
 le premier, celui de l’est, par la terminaison cen (13), 
 kn (2), qm (5) et même hn (1); le second 
 par s (13), š (20), šh (1), sa (1). 
 Mais, dans les premières, la syllabe cn ou kn 
 est parfois séparée et reportée sur l’autre 
 face de la pièce (sesars | kn, carsahs | 
 kn); elle manque parfois (icloe et icloekn, nerhn 
 et nerhncen); elle est quelquefois remplacée 
 par d’autres finales (arse, arsesacen, arsecedr, arsgdr, arsagsoegra); 
 d’autre part, dans beaucoup de cas, le cn, cen, etc., 
 est précédé de s ou plutôt š, 
 qui est évidemment un suffixe, car il manque lui-même 
 assez souvent (aušescn, htkšcen, iltrcescen, laiešcen, untcesen, 
 arsahshn, klaišqm, krncšqn, sethiscen ou sethiscn d’une 
 part; aušescn et aušain, iltres et iltrescn, 
 sethis et sethiscen, šethisa et šethisaqm; alir, 
 alirin, alircn, d’une autre; enfin, les variantes iltrd, 
 iltrdš; nertp, nertpš; hrhši, hrhšis; segprice, segprices; hilaucu, 
 hilauces, hilaukes, hilauciqš, hilanceiqs; — are, arats, arei, 
 aregrads, areigrads, areigratqš). Aux revers, on lit — outre 
 kn, — hn, ca, šhš. Que conclure de tout cela? vraisemblablement, 
 que cen et ses variantes, n’est pas un suffixe, mais un 
 mot séparé, correspondant au latin mun, munici 
 (municipium), qu’on lit sur les médailles en caractères 
 latins. Quant au s ou š, c’est 
 incontestablement un suffixe, et très probablement le suffixe 
 du génitif, la préposition ou, si l’on veut, la 
 postposition «de» possessif. Ainsi, l’étude des médailles 
 nous amène à croire que, dans l’idiome ibère 
 nord-oriental, le suffixe génitif était s ou 
 š; que la plupart des substantifs se terminaient par des 
 voyelles, a ou e; qu’en général, la langue 
 n’admettait pas les groupes de consonnes autres que ceux formés 
 avec r, n, l ou s; que beaucoup de noms topographiques 
 commençaient par il; enfin, que les syllabes cen, 
 in, šhš, ca, se rattachaient à des mots ayant le sens 
 de «ville, commune, municipe», ou peut-être «monnaie». Passons maintenant à l’examen 
 des inscriptions. Ecartons d’abord celles qui sont fausses ou 
 suspectes! sur les soixante-seize autres, une vingtaine seulement 
 sont utilisables, pour des raisons diverses qu’il serait trop 
 long de développer ici. Ce sont des pierres en apparence 
 votives; des tituli, funéraires probablement; des 
 figurines, servant sans doute de tessères; une coupe 
 en argent, sans pied, destinée, suivant M. Hübner, 
 à recevoir de l’argent; une plaque de bronze, trouvée 
 à Luzaga; et une lame de plomb provenant de Castellon de 
 la Plana. J’ai dû laisser de côté, entres autres, 
 le plat de terre de Ségovie, dont l’inscription, écrite 
 de droite à gauche, est vraisemblablement dans une autre 
 langue, ou tout au moins dans un autre système. I. La lame de plomb de Castellon 
 (nº XXII du recueil de Hübner) est évidemment le plus 
 important, au point de vue qui nous occupe, des monuments de l’épigraphie 
 ibérienne. Découverte en août 1851, sur une 
 hauteur appelée Puchol, près de Castellon 
 de la Plana, dans un tumulus ancien, par M. De Portefaix, consul 
 de France, elle est aujourd’hui au Musée archéologique 
 de Madrid; elle mesure Om 435 sur Om 040. Elle contient 24 
 mots, séparés les uns des autres par trois points 
 en ligne verticale, disposés sur quatre lignes que M. Hübner 
 transcrit ainsi (je dédouble les lignes pour plus de commodité):  
 
 
(z)irtaims: airiemth: sinektn:urcecerere: aurunikiceai:
 asthkiceaie: ecariu: 
 aduniu: kduei:
 ithsm: eosu: shsinpuru:
 krkrhniu: qšhiu: 
 îithgm:
 kricarsense: ultthcraicase:
 argtco: aicag: 
 îlcepuraies:
 îithsîniecarse..
 La première lettre est douteuse. 
 Mais, quelle que soit la lecture, le groupement des caractères 
 donne lieu à d‘intéressantes observations. Il y 
 a sans doute des fautes d’orthographe, des voyelles à suppléer, 
 des lettres omises, etc. Cependant, le premier coup d’oeil donne 
 l’impression d’un idiome agglutinant, incorporant, avec ses accumulations 
 de suffixes terminaux -ceaï, -ceaie, -aies, craicase, 
 -carse, -case, -carsense. Un peu plus d’attention fait voir 
 que aurunikiceai et asthkiceaie sont formés 
 des mêmes suffixes; si, comme on peut le supposer, Asthki 
 est le nom topographique Astigi, Auruni doit être 
 un nom de même espèce: ic, ou kic, est 
 peut-être la dérivative «originaire de»; e une 
 forme pronominale ou verbale, prise quelquefois pour une forme 
 nominale, «celui qui»; ai, une déterminative, un 
 suffixe adjectif; le e final de urcecerere est, selon toute 
 apparence, une finale verbale de troisième personne singulière: 
 ce dernier mot rappelle le nom de ville urkekn (urci, prov. 
 de Tarragone) dont la racine urk, urc-, pourrait avoir 
 une signification de «domicile, habitation, séjour, repos». 
 De plus, l’examen montre que certains mots sont probablement des 
 composés, shšinpuru, îlcepur-; quelques autres 
 pourraient se rattacher aux mêmes racines: ithsm, iithgm, 
 iithsm; — sinekten, shšinpuru, siniecarse; — shšinpuru, ilcepur-; 
 deux mots ont des répétitions singulières, 
 urcecerere, krkrhniu; enfin un mot commence par ul et 
 un autre par il: sont-ils apparentés? L’initiale 
 il est, on l’a vu, très fréquente en ibère. D’autre part, la forme et la disposition 
 des mots conduisent presque nécessairement à partager 
 ce texte en trois morceaux, le premier composé de six mots: 
 (z)itraims, airiemth, sinektn, urcecerere, aurunikiceai, asthkiceaie; 
 le second, les neuf mots ecariu, aduniu, kduei, ithsm, 
 eosu, shšinpuru, krkrhniu, qšhiu, iithgm; le troisième, 
 les six derniers mots, kricarsense, ultthcraicase, argtco, 
 aicag, ilcepuraies, iithsîniecarse. II y a incontestablement 
 là trois tournures, trois combinaisons différentes. Le mot antépénultième 
 aicag est rapproché par M. Hübner de aiqgtegia 
 qui est l’avant-dernier d’une inscription de la même 
 région; et il ajoute qu’un dieu des Callaiques s’appelait 
 Aegiamunniaegus. Il fait remarquer aussi que Asthkiceaie 
 rappelle la ville d’Astigi et que Aurunikiceai fait 
 penser aux Aurunques d’Italie. Le seul mot dont le sens soit à 
 peu près certain, c’est argtco qu’on peut rapporter 
 à arethq, aredc, aredq, aredk, areqratokš; ce dernier 
 rappelle l’inscription des médailles trouvées à 
 Castellon et où se lit areiqrads, areiqratqš, areqrads. 
 Les premières formes sont en tête d’inscriptions 
 et, dans un document bilingue, malheureusement incomplet, arethg 
 correspond à heic. est. sit... Ce mot aurait 
 donc une signification analogue à «ci-gît, ici repose»; 
 mais je crois plutôt qu’il doit signifier «monument, tombeau, 
 demeure»: ce qui me conduit à le penser c’est que le même 
 radical se retrouve dans des noms topographiques; or, un nom de 
 ville peut très bien dériver de «habitation, demeure, 
 sé jour, etc.», mais non de «ci-gît». Ce mot aredc 
 excitera d’ailleurs sans doute l’ardeur des Bascomanes; ils 
 ne manqueront pas d’y lire araduc, c’est-â-dire aran 
 duc, puisque la nasale terminale est souvent omise; aran 
 serait synonyme de an, car le suffixe du génitif et 
 celui du locatif sont semblables; an ou han duc veut 
 dire: «là tu as, là est», hic est situs...; mais 
 la forme primitive antique ne doit être ni an, ni 
 han, ni haran; ce serait kan, ou karan; 
 de plus il faudrait, non pas «là», mais «ici», emen, 
 hemen, kemen. Le verbe convenable serait datza. «jacet». 
 Il faudrait donc kemen datzak, ce qui ne va plus avec aredc. 
 Je n’ai pas besoin de rappeler les discussions sur la primitivité 
 de h ou de k; pour moi, le k est antérieur, 
 comme le prouvent la loi naturelle du moindre effort, le maintien 
 du k à la fin des formes verbales, le k de 
 kume dans les composés prosthétiques de hume 
 «petit», la mutation en dentale dans baitaiz «parce 
 que tu es» pour baihaiz, baikaiz, etc. Nous avons vu tout à l’heure 
 que kic, e, ai, es, sont probablement des suffixes grammaticaux, 
 des désinences formelles; nous en avons d’autres dans iu 
 et u, dans co et m, n, ei. La terminaison 
 ic se retrouve dans d’autres inscriptions: ucasunic, 
 oinaic, auedunic (XXXII), lncaniq (XLI), castlosaic 
 (XLV). Nous retrouverions aussi ai, ei, ni, etc.; nous 
 y reviendrons. Peut-on au surplus émettre 
 une conjecture sur le sens général de ce document? 
 Peut-être. M. Hübner dit: «Cum in sepulcro reperta 
 sit, lammina, contineatque unum saltem vocabulum, argtco, quod 
 ad sepulcrum spectat, inscriptionem coniicio legem aliquam spulcralem 
 continuisse, sive fortasse exsecrationem. Tales 
 enim exsecrationes scimus Graecos Romanosque in plumbo scriptas 
 sepulcris indidisse; nomina defunctorum vix aut raro plumbo inscribebantur». 
 Wünsch est du même avis, et je ne crois pas qu’on puisse 
 avoir une autre opinion. L’exécration est plus 
 probable que la loi funéraire. Quelle formule a pu employer 
 le propriétaire du tombeau, le parent, l’héritier 
 de l’Ibère défunt? Remarquons que ce document est 
 unique; il y a eu donc, là, l’imitation d’une coutume étrangère, 
 par un étranger, un colon romain, ou un indigène 
 ayant vécu à l’étranger ou au courant des 
 habitudes romaines. C’est donc probablement en Italie qu’il faut 
 chercher le modèle, la formule type. Si nous consultons 
 la thèse si remarquable de M. A. Audollent, Defixionum 
 tabelloe, nous voyons que les tablettes des sépultures 
 contiennent des exsécrations contre les ennemis 
 du décédé, contre ceux qui ont causé 
 sa mort, contre ceux qui pourraient violer son tombeau; Quelquefois, 
 les parties principales du corps de ces «voués» sont énumérées, 
 pour être affligées chacune d’un supplice spécial. 
 Or, la partie moyenne de l’inscription de Castellon se compose 
 de neufs mots qui par leur disposition peuvent former une énumé-ration 
 de ce genre, et, parmi ces mots, quatre sont terminés en 
 iu, deux en u: ne peut-on supposer que ces iu 
 sont des duels, ces u des pluriels et le reste des 
 singuliers? Dans cette hypothèse, peut-être pourrait-on 
 traduire: ecariu «les deux yeux», aduniu «les deux 
 oreilles», kduei «le nez», ithsm «la bouche», eosu 
 «les dents», shšinpuru «les organes intérieurs», 
 krkrhniu «les deux bras», qšhiu «les deux jambes», 
 iithgm «le ventre» ou «l’organe sexuel». Le sin de 
 šhsinpuru, qui serait un radical «intérieur», se 
 trouverait dans sinektn de la première partie et 
 dans iithsiniecarse de la dernière; le šhs initial 
 rappelle le groupe qu’on trouve sur quelques médailles, 
 et qui, ainsi que nous l’avons vu, peut correspondre à 
 l’idée de «cité, municipe» et sans doute aussi «chose 
 privée, intime, intérieure». J’ai dit plus haut que s ou 
 š devait être le suffixe génitif; je crois, 
 en outre, et je reviendrai sur ce point tout à l’heure, 
 que n pourrait être celui du locatif, de l’ablatif, et autres 
 cas analogues. Comment interpréter la première 
 et la dernière des trois parties dont paraît se composer 
 notre inscription? Elles contiennent évidemment des verbes, 
 puisque la seconde partie n’est formée que de noms (au 
 nominatif ou à l’accusatif, peu importe). Nous sommes amenés 
 à voir des formes verbales dans les terminaisons se: 
 peut-être des optatifs, et des formes participiales 
 dans -ceai, ceaie, -aies. Et j’imagine que le document 
 tout entier exprime quelque chose comme ceci: «Airiemta, fils 
 (ou fille) de Zirtaima, demeure couché ici dedans, originaire 
 d’Astigi, issu d’un natif d’Aurunigi: que les yeux, les oreilles, 
 le nez, la bouche, les dents, les organes intérieurs, les 
 bras, les jambes, le ventre soient en proie aux maux, qu’ils le 
 fassent souffrir; de celui qui aura violé ce tombeau! qu’il 
 soit en exsécration!». C’est en tremblant que je viens d’écrire 
 les lignes qui précèdent. C’est peut-être 
 vraisemblable, mais c’est peut-être aussi, c’est plutôt 
 une fantaisie de mon imagination, un rêve de mon esprit 
 surexcité, une brillante bulle de savon qui va disparaître 
 sans laisser la moindre trace. N’y voyons qu’un exercice, qu’une 
 distraction, qu’un jeu et... continuons. II. La seconde inscription par ordre 
 d’importance est à mon avis la plaque de bronze de Luzaga, 
 mesurant 0 m. 15 sur 0 m. 16, trouvée en 1877 près 
 de Huerta Hernando (Guadalajara, Sigüenza), avec quatre trous 
 aux coins et trois au milieu, qui ont dû servir à 
 la fixer sur un mur ou sur une pierre. Hübner lit (nº XXXV):  
 
 
areqratoš. caruh. ceceiqrtca. lutacei. 
 augš irasihca
 erca. uela. tcerseks. 
 šh
 ueisui. mlaihonoe
 ceciš. cariqoe. 
 ceciš
 šdn. qrtcan. elasuchn
 caruh. thces. 
 ša qrtca
 thiuhreigš
 Le premier mot est peut-être 
 areqratodš, mais le k est plus probable.  M. Hübner dit de cette inscription: 
 «Instrumentum in aere inscriptum maioris sine dubio dignitatis 
 fuisse putandum quam lammina Castellonensin plumbea; oppidorum 
 nomina si plura recte agnoscuntur, de tabella foederis fortasse 
 cogitandum. Sed modulus exiguus facit potius ut tabellam sive 
 hospitii sive patronatus esse existimem. Quales in eiusdem generis 
 lamminis aereis in Hispania prodierunt complures (C. II, 1343, 
 2210, 2211, 2633, 2966, 3695, 5792). Cf. tesseræ hospitiales, 
 n. XXXIX, XL.» Si nous examinons ce texte en lui-même, 
 en dehors de toute idée préconçue, de toute 
 hypothèse, nous remarquerons: 1º que le premier et le dernier 
 mot se terminent par le même suffixe, š, qui se retrouve 
 dans deux autres mots; 2º qu’il y a deux mots en s, deux 
 en ei, un en ui, trois en ca; 3º que ca 
 varie en can (qrtca, qrtcan) et ciš en cei 
 (ceciš, cecei); 4º que l’on a deux fois le groupe -oe ceciš; 
 5º que qrtca vient deux fois et qrtcan une; 
 6º qu’il y a trois fois le suffixe n dans trois mots consecutifs. Pour interpréter ce texte, 
 j’observe que le mot le plus important est peut-être qrtca 
 qui revient trois fois et que nous retrouvons sur une figure 
 en bronze, ayant la forme d’un sanglier (apper, dit M. Hübner) 
 et qui était vraisemblablement une tessera hospitialis; 
 on y lit en effet: lipaca, qrtca. car: M. Hübner 
 y voit un insigne de l’alliance entre les Lipaciens et les Cariens: 
 Lipaca serait lipaqš, dont on a des médailles 
 dans la région de Pampelune. Mais, car peut être 
 rapproché du caruh de notre inscription, et ce mot, 
 ainsi que qrtca, indiquerait, à mon avis, plutôt 
 un titre, une fonction, une qualité: sur la plaque de Luzaga, 
 les trois qrtca sont suivis de mots où l’on peut 
 voir des noms topographiques (Lutacci = Luzaga, elasuchn = 
 Elaisicum, thiuhreigš = Turriga): qrtca pourrait être 
 quelque chose comme «consul, quæstor, princeps, pagi magister»; 
 prenons quæstor pour plus de commodité. On 
 supposerait donc: le questeur de Luzaga, le questeur des Elaisiciens, 
 le questeur de Turriga. Un autre mot caruh, qui revient 
 deux fois, est aussi accompagné de noms de villes, areqratokš 
 et thces (Ttaqš, dans la région de Numance, 
 ou Hztces, dans la région de Turiaso); la première 
 fois, caruh est suivi de cecei. J’imagine que cakuh 
 est peut-être un titre de fonction ou quelque chose 
 comme «municipe, assemblée, sénat»; cecei, un 
 qualificatif «grand, illustre, etc.» dont ceciš, plus loin, 
 serait l’adverbe. Le š ou s final, fréquent 
 dans les médailles, serait un suffixe génitif singulier, 
 qui servirait aussi à dériver des adverbes. Le document 
 commencerait donc par une indication de ce genre: «L’illustre 
 Sénat d’Aregrad, le questeur de Luzaga» (ei étant 
 un suffixe qualificatif) et finirait par «le questeur des Elaisiciens, 
 le sénat de taogš, et (ou avec) le questeur de Turriga». 
 Dans l’intervalle, il y a des génitifs en š, des 
 nominatifs en ca et probablement deux formes verbales en 
 oe: il s’agit vraisemblablement de conventions inter-municipales. Sur les légendes monétaires, 
 à Areqratokš correspond are, arei, arats, areqrad, 
 areqads (avec šhš au revers), areiqrads et areiqratqš 
 Il y a là sans doute un composé de are, ara, 
 de qrat et de qš, où nous pouvons voir 
 deux suffixes, dont q (ca?) et le š du génitif; 
 et alors qrtqš serait une variante de qrtca, ce 
 qui confirmerait mon hypothèse d’une signification «municipale» 
 pour ce dernier mot. Je trouve sur les médailles, une terminaison 
 semblable dans hilaucu, hilauces, hilaukes, hilauciqš (avec 
 šhš au revers), hilauceiaš où il y a de plus 
 la dérivative locative cu, ke, ci. On trouve 
 aussi arcailiqš, aratqš (et arats), calaqriqš, eoalaqš, 
 gthlqš, ecailqš, ilaca(p)šq, lhuitšqš, lipaqš, molqš, oeltiqš, 
 pulaqš, et peutêtre segsanhš, dont quelques-uns 
 varient: esailigš (de gauche à droite), et esailq 
 (de dr. à g.); gths, gthgs, glrn, gthlqš (de 
 dr. à g.); molqm, molqiš, molqš (de dr. à 
 g.). Ces trois derniers noms sont de la région d’Obulco, 
 dans la Bétique orientale, région mixte peut-être 
 au point de vue linguistique. Dans le plat d’argile de Ségovie, 
 où les inscriptions vont de droite à gauche, on 
 retrouverait la terminaison ose ou se que j’ai supposée 
 optative; mais est-ce la même langue, le même dialecte? III. Nous avons vu que aredc et 
 analogues ont un caractère funéraire à peu 
 prés certain. Deux autres mots paraissent avoir le même 
 caractère; nous les trouvons inscrits sur deux pierres 
 troùvées à Sagonte et qui ont disparu, et 
 sur une troisième qui est conservée à Valence:  
XXVIII. Nerseatn. ilcatne.
 XXIX. Nersnatn.
 ilcatnde.
 XXXI. b ilcatn. nskd.
 otcr. einen.
 s n.... ...
 Il parait difficile de voir dans 
 ilcatne, ilcatnde, ilcatn, un nom propre, car le même 
 individu aurait eu trois sépultures. Le mot nersnatn 
 ou nerseatn, dont nskd ne diffère pas 
 très sensiblement, ne doit pas être non plus un nom 
 personnel. Faut-il rappeler que ner est le radical de «Narbonne», 
 Narbo Martius, Nerhn en ibère? Quoi qu’il en soit, 
 si nersnatn, nerseatn, nskd sont un seul et même 
 mot, ou des mots analogues de sens, il faut remarquer que le n 
 final des premiers ne se retrouve pas chez le dernier, mais 
 qu’il revient deux mots après, comme si ces deux mots étaient 
 des adjectifs, des compléments déterminatifs. Remarquons de plus l’interversion 
 de ilcatne ou ilcatnde qui est au premier rang en 
 XXXI et au second en XXVIII et XXIX. Si je n’ai pas eu tort de 
 supposer que e est une finale verbale et n peut être 
 le signe du locatif, nos trois légendes diraient quelque 
 chose comme ceci: «XXVIII. XXIX. En ce séjour il repose, 
 il gît», et «XXXI. Il repose en ce séjour respectable, 
 sacré (?)». Le nom propre aurait pu être ajouté 
 dessous ou à côté. IV. A ce propos, si je reprends les 
 inscriptions commençant par aredc et ses variantes, 
 elles se présentent ainsi:  
VI. aredc. antqlaur. andlsldu.Fulvia lintearia.
 VII. hic. est. sit...
 arethg. adu... sacarith.
 XXIII. aredc. sicdun. 
 inein. nereildun. d...
 XXV. are. dc. aiuni. 
 iiscac. khln. a.
 XLII,a. areqr ou 
 aredk.
 De ce nº XLII.a, M. Hübner dit: 
 «Catinae (Catania) in Sicilia in museo P.P. Benedictinorum, exstat 
 vasculum (oenochce) Graecum pictum (figurae rubrae sunt in fundo 
 nigro, altum m. 0. 19, exhibens mulierem sedentem, quae dextra 
 pateram tenet, artificii non elegantis, qud saeculo fere quarto 
 adscribitur. Iuxta in fundo litteris accurate incisis inscriptum 
 est...» L’irrégularité de l’orthographe est sans 
 doute le fait d’un graveur étranger à la langue 
 dont on lui avait donné un mot à écrire. Mais on peut se demander quel rapport 
 il y a entre un vase vinaire, une femme tenant une coupe, et un 
 mot paraissant avoir le sens de «monument funéraire». Serait-ce 
 que ce mot signifierait proprement «repos, oubli, libération», 
 par allusion au rôle consolateur souvent attribué 
 au vin, à l’influence censée reposante de l’ivresse? 
  Dans les quatre autres légendes, 
 les mots qui suivent sont probablement des noms et des titres 
 ou des qualités. Atnqlaur. andolsdu est-,il, comme 
 l’a supposé M. Hübner, la traduction de Fulvia 
 lintearia? Mais alors, je croirais plutôt que c’est 
 andlsldu qui serait Fulvia; ce mot est. d’ailleurs 
 composé, comme aussi l’autre; les deux expressions latines 
 sont assez complexes et l’ibère aura eu besoin de périphrases 
 pour dire «fauve» et «lingere» (ou «tisserand»). Dans le nº XXVI, remarquez le suffixe 
 -dun, sicdun, nereildun. Ner rappelle Nerhn «Narbonne»; 
 eildun est-il parent de l’eildul qui constitue à 
 lui seul l’inscription nº XXXI? Malheureusement tout cela est 
 fragmentaire. Ce nº XXXI devait peut-être être joint 
 à l’un des nos XXVIII, XXIX, XXXI. b, et était sans 
 doute un nom de personne. Dun serait un suffixe, une dérivative 
 nominale; nous avons les combinaisons dunic, unic, nik, ic, 
 in, ni, an, can, canik. V. Ces deux dernières terminaisons 
 se lisent sur le nº XLI, la coupe en argent sans pied, découverte 
 en 1618, près de Cazlona; elle est aujourd’hui au musée 
 du Louvre. Elle contenait, quand on l’a découverte, 683 
 pièces de monnaies. M. Hübner a supposé que 
 c’était une sorte de caisse, comme disent les commerçants, 
 contenant le trésor d’un individu dont le nom serait gravé 
 sur la coupe. On y lit: lncanik goaercan que M. Hübner 
 interpréterait volontiers: «Loncanicus Goercani filius»; 
 je croirais plutôt que lncanik serait un nom de pays, 
 et goaercan un nom de personne au locatif ou au datif: 
 «à» ou «pour Goaerca de Lonca (?)». VI. Faut-il également voir 
 un nom ou deux noms sur l’anneau d’argent trouvé, il y 
 a une soixantaine d’années, dans un tombeau? Orné 
 d’un onyx, où est gravée une tête d’homme 
 barbu, aux cheveux crépus regardant à senestre, 
 il porte la légende slšdotce. Si, comme je l’ai 
 suppose, e final est une terminaison verbale, ce ce peut-être 
 une sorte d’optatif ou d’impératif, vale ou cave 
 par exemple; ou peut-être un passé «il a réussi, 
 il a été heureux», etc. (Nº V de Hübner). VI. Je retrouve ce ou ke 
 sur le cippe (nº IV) de Barcelone, cippe funéraire, 
 dit M. Hübner, et non votif, où est écrit nuce 
 iltra zui, ce qui pourrait signifier «Nuce, d’Ilerda, a été 
 mise ici (hic sita est)». Je croirais plutôt que le nom 
 serait iltra ou iltrazui et que le verbe signifierait 
 nuke, quelque chose comme «vixit». D’autres inscriptions, qui paraissent 
 également funéraires, contien-draient des noms de 
 personnes: lehd (1), shsirn (II), sršs eolio 
 (VIII); ekemos (XII), etc.; un fragment bilingue (XXXI, 
 a.) porte: «Fabius. M. L. Isidorus... drhothinen.h:.. drho 
 est-il un reste de la transcription ou de l’adaptation d’Isidorus? J’arrête ici cette tentative 
 d’étude qui ne me paraît à moi-même 
 qu’une série de conjectures aventureuses, Je ne l’ai entreprise 
 que par accident, si j’ose m’exprimer ainsi, le hasard d’une recherche 
 ayant amené sous mes yeux l’invitation que semblait m’adresser 
 M. Hübner:«Speramus fore, si ad studia haec examinanda redierit vir doctissimus, 
 ut lectionem sane scripturae ibericae aliquantum profecisse reperiat». 
 Dans cette tentative je me suis laissé conduire par ce 
 qu’Alexandre Dumas appelle «le fil des inductions, ce fil qu’aux 
 mains de l’abbé Faria, Dantès avait vu guider l’esprit 
 d’une manière si ingénieuse dans le dédale 
 des probabilités». Et j’ose conclure:
  
1º Que la langue parlée 
 jadis en Espagne, au N. et a l’E., écrite de gauche à 
 droite à l’aide de l’alphabet ibéro-phénicien, 
 était une langue agglutinante très développée, 
 sans doute incorporante, peut-être polysynthétique; 2º Qu’elle avait un système 
 phonétique assez simple, qu’elle n’avait pas d’articulations 
 spéciales, et que sa prononciation ne devait avoir rien 
 de bien difficile; 3º Que, parmi les nombreux suffixes 
 dont elle se servait, on peut signaler les suivants: s ou 
 š, «de» génitif, n «a, dans, chez, par», 
 ik «de, ex, origine», ei ou ai adjectif 
 ou participe; e, en 3e pers. sing. Du verbe avec une 
 consonne précédente marquant le temps; 4º Que cette langue était 
 tout à fait différente du basque. Cette dernière conclusion 
 sera peut-être la seule à laquelle souscriront mes 
 lecteurs. Je répète, moi même, que tout le 
 reste est bien audacieux et bien hasardé; je compte d’ailleurs 
 reprendre cette étude plus à loisir. Aujourd’hui, 
 je n’ai guère fait qu’une exploration préliminaire, 
 sans m’occuper aucunement des diverses autres tentatives qui ont 
 été précédemment faites. Mais où 
 trouver la solution du problème? Ah! si l’on pouvait découvrir 
 une inscription bilingue, complète, de cinq à six 
 lignes au moins! En attendant, nous sommes réduits 
 à des hypothèses dont le lendemain montre la fragilité, 
 à des propositions, à des imaginations séduisantes, 
 mais qui s’effacent comme les plis des vagues à la surface 
 des eaux, qui passent sans rien laisser après elles, comme 
 ces astres rapides qui traversent l’atmosphère, comme ces 
 bruits confus qu’on croit entendre dans les profondeurs des forêts, 
 dans l’ombre des nuits, comme les amours de Didon, comme les serments 
 de Thésée, Quae cuncta aerii discerpunt irrita, 
 venti! J ULIEN V I N S O N. (1) C’est ce mot 
 iliberris qui a été le grand cheval de bataille 
 des ibéro-basquisants; ils y voyaient les iliberri, 
 ulibarri, ullibarri, iriberri, hiriberri «ville neuve», des 
 divers dialectes basques. Mais la forme primitive de hiri paraît 
 avoir été *kiri...D’ailleurs, on voit que 
 iliberris correspond ici à ilurir; an peut, 
 il est vrai, soutenir que u est pour b, puisque 
 les Aquitains confondent v et b (felices populi disait 
 Scali-ger, quibus vivere est bibere) et que l=r; alfana 
 vient d’equus... Mais le r final? Un grand nombre 
 de mots ibères commencent par il: est-il possible 
 que ce soit «ville»? (RETOURNER)  |