Quai
de l’enfer! Horrible!...Les qualificatifs et les titres ne manquaient
pas à la presse internationale qui semblait surprise le
20 juin 2000 par les méfaits de l’émigration.
En effet, ce jour-là, les
douaniers anglais ont découvert dans un camion frigorifique
les cadavres de 57 clandestins chinois et de 2 de leurs compagnons,
survivants d’un long périple. Voilà que sont dénoncés
des hommes sans scrupules, organisateurs de voyages périlleux,
onéreux vers un «eldorado» britannique
peu disposé à les accueillir.
L’émigration basque, à
destination de l’Amérique, a eu elle aussi son lot de malheurs,
avec des voyages s’achevant par des péripéties mortelles.
La tragédie concernant le plus grand nombre de personnes
est celle de la Léopoldina Rosa, au XIXème
siècle. Venu du Havre et arrivé à Bayonne
au mois de septembre 1841, le beau trois mâts de 450 tonneaux,
la Léopoldina Rosa «subira des réparations
majeures3 avant son départ.
Selon les armateurs, les travaux se montent à 90.000 francs.
Au mois de janvier, ils organisent des visites du navire pour
le public, pendant huit jours. Ils invitent les représentants
des compagnies d’assurances à monter à bord pendant
que le navire est vide pour qu’ils constatent sa parfaite solidité
et sa qualité. Les avis publiés dans la presse annoncent
que le navire sera commandé par le capitaine Hippolyte
Frappoz qui a fait plus de dix traversées de l’Atlantique,
un médecin, deux aides-soignants, un pharmacien, seront
à bord. On servira du bœuf frais au moins deux fois par
semaine, et même un des armateurs a l’intention de faire
la traversée. De plus, le prix du voyage est de 280 francs
contre 300 à 325 francs sur les autres navires.
En
fait, en dépit de cette annonce rassurante, le voyage de
la Léopoldina Rosa fournit un exemple tragique des conditions
souvent effroyables dans lesquelles les émigrants effectuaient
leur voyage. Parti le 20 janvier 1842, de Bayonne, le navire alla
relâcher à Pasajes pour y compléter son équipage,
peut-être même pour y embarquer d’autres émigrants;
une fois parti, il fut assailli par des tempêtes et contraint
d’aller relâcher plusieurs jours en Bretagne, la traversée
de l’Atlantique fut épouvantable et quatre femmes périrent
en mer. Assaillie par une nouvelle tempête, la Léopoldina
Rosa fut jetée à la côte, et vint se briser
sur les rochers de la côte Uruguayenne, près de Cap
Castillos, le 09 juin 1842, c’est à dire quatre mois après
son départ. Le naufrage eu lieu à 130 kilomètres
environ de Montevideo. Sur les 300 personnes présentes
sur le navire, il n’y eut que 70 rescapés. Ayant à
peine posés pied à terre, les survivants eurent
à faire avec les gauchos locaux qui se livraient au pillage
de leurs biens. La nouvelle de la catastrophe n’arriva qu’en septembre
en France. Elle souleva dans tout le département une émotion
intense. Toutes les assemblées officielles, Conseil général,
Conseils municipaux, qui s’efforçaient de lutter contre
l’émigration, en tirèrent argument, la presse locale
renchérit. Un haspandar, Katxo, écrivit «Pouloumpa»
(Le naufrage), un chant destiné à perpétuer
la catastrophe.
Le 11 octobre 1949, l’agent d’émigration
Pierre Monlong, émet des courriers à cinq familles
basques. Arambel Jean-Louis (berger à Los Baños
en Californie), Chourrout Guillaume (berger à Stockton
en Californie), Arduritz Jean (berger à Reno au Nevada),
Suquilbide Jean (berger à Pocatello dans l’Idaho) et enfin
Etchepare Pierre (berger à Flag Staff en Arizona) vont
rentrer d’Amérique au Pays Basque. L’avion dans lequel
voyageait aussi le champion de boxe Marcel Cerdan et la musicienne
Ginette Neuveu, n’atteindra jamais la France. Pierre Monlong écrit
de nouveau aux familles pour leur annoncer la tragédie,
et récupérer les chèques dont il est créditeur.
Au Pays Basque comme en France, l’émoi est à son
comble. Pierre Espil, d’Hasparren, écrit en français,
en souvenir des disparus, la Ballade des cinq bergers basques. Claude Mehats, étudiant
Photos: Auñamendi |