Amenés par l'Espagne au Pays Basque
au XVIe siècle, les piments étaient cultivés
et consommés par les peuples d'Amérique. Le piment
d'Espelette est aujourd'hui une Appellation d'Origine Contrôlée
sur un territoire qui s'étend sur 10 communes.
Ainhoa, Cambo, Espelette, Halsou, Itxassou, Jatxou, Larressore,
Saint-Pée, Sourraïde et Ustaritz constituent un territoire
homogène par son climat océanique doux et son relief
moyen et tourmenté qui s'apparente au bioclimat subtropical
favorable à la croissance des piments.
Depuis les années 70, les producteurs sont regroupés
en syndicat. Après deux demandes pour un classement AOC
déposé auprès du Secrétariat à
la consommation et leur regroupement en coopérative "Biperra",
en 1993 le syndicat sera reconstitué avec des objectifs
de qualité, de typicité, d'organisation, de transformation
et de commercialisation de la production, de maintien des emplois
liés à l'activité.
Un troisième dossier est présenté en novembre
1995 à la commission d'enquête propre à la
filière, puis en 1996, des compléments de dossier
avec un cahier des charges de la production et de la transformation
du piment aboutissent enfin en avril 1997 à la reconnaissance
par le comité national de l'INAO (instance décidant
de la reconnaissance officielle des AOC) du principe de l'AOC
Piment d'Espelette en poudre, corde, frais en vrac. Une commission
de délimitation est nommée.
Longues procédures qui conduisent fin 1997 à une
3e rencontre avec la commission d'enquête pour présenter
le projet de rapport d'expertise pour la délimitation
de l'aire géographique, les projets d'identification des
produits en AOC (inviolabilité, traçabilité.)
et la présentation du travail des dégustations
et d'agrément du piment. En 1999 l'utilisation du nom
"Piment d'Espelette" et l'aire géographique
sont mis à enquête, en août 99 la commission,
après une 4e rencontre, s'engage à présenter
le dossier au prochain comité national de l'INAO.
Et le 1er décembre 1999, ce comité reconnaît
l'A.O.C. Piment d'Espelette - Ezpeletako Biperra, ce qui permet
à l'appellation d'être effective pour la campagne
2000, par décret au journal officiel.
C'est le fruit d'années de travail collectif pour mettre
en place un outil de développement agricole, porteur d'image
forte pour la région dans les domaines de la gastronomie,
l'artisanat et le tourisme, récompensé après
6 années décisives et laborieuses pour obtenir
cette consécration et cette reconnaissance pour un produit
vraiment typique et spécifique.
Le nombre de producteurs va croissant: 30 en 1997 et 50 en 1999,
d'une moyenne d'âge jeune (25-45 ans), le piment pouvant
être soit un complément d'activité, notamment
avec l'élevage ovin, soit une passion et un attachement
à la culture qu'il véhicule.
 La dégustation de
la poudre de piment est aussi sérieuse que l'assemblage
pour les grands crus de vin ! (D.R.)
La confrérie du
piment d'Espelette a eu 30 ans!
On ne peut parler du piment d'Espelette sans évoquer
la formidable aventure et le travail accomplis depuis 1969 par
Georges Dupiot pour promouvoir ce produit à travers une
confrérie, comme il en existe de nombreuses au Pays Basque.
Cette histoire est racontée par son fils, Joël
Dupiot:
"En 1968, mon père accompagnait à Espelette
un charcutier venu de Bayonne chercher de la poudre de piment
pour ses jambons. Georges Dupiot propose au maire Auguste Darraïdou
de créer la Confrérie du Piment et reçoit
"carte blanche" pour s'en occuper. Georges Dupiot a
une grande expérience des confréries puisqu'il
est déjà le fondateur de la Confrérie du
Jambon de Bayonne.
Le 25 juillet 1969, au café -restaurant "La Grande
Brasserie" à Bayonne, (dont le patron était
Robert Pédelaborde, actuellement Grand Maître de
Bouche de la Confrérie du Jambon de Bayonne), lors d'une
réunion d'Assemblée Générale Constitutive
siège de la Confrérie du Jambon de Bayonne, il
crée la Confrérie du Piment d'Espelette."
 Joël Dupiot, le fils
du fondateur de la confrérie présente la "Xamara"
dessinée par sa soeur qui se trouve au coeur du musée
privé consacré au célèbre piment.
(D.R.)
Votre père en compose
ensuite tous les attributs.
"Oui, il écrit les statuts, le cérémonial
des intronisations, crée la médaille et dessine
les diplômes. Ma soeur aînée, Josyane conçoit
et dessine la tenue des Confrères, une Xamara type basque
labourdin, de couleur verte à parements rouges. Elle s'inspire
des figurines basques des XVIIe et XVIIIe siècles.
Le 26 octobre 1969, lors de la 3e Fête du Piment à
Espelette, mon père procède à la signature
de l'acte de parrainage officiel du Jambon et du Piment, dans
l'Hôtel Euskadi tenu par André Darraïdou, avec
l'assentiment du Maire d'Espelette le Docteur G. Gréciet.
Ensuite, Michel Darraïdou, alors Président du Syndicat
d'Initiative, lors de la première Assemblée Générale
ultérieure, devint le deuxième Président
de la Confrérie du Piment d'Espelette et l'est resté
à ce jour".
Pourquoi la fête du piment d'Espelette a-t-elle lieu
le 3e week-end d'octobre?
"À Espelette les fêtes se succédaient
à la fin des années 60: fête du muguet, du
pottok, courses de vaches, fêtes patronales.et la fête
du piment en septembre. Mais en septembre 1968, le maire Auguste
Darraïdou, atteint d'une maladie depuis quelques années,
décède avant la fête et ne voit donc jamais
la naissance réelle de la confrérie à laquelle
il avait été tant favorable.Un deuil d'un mois
fut alors décrété qui reporta la fête
en octobre 1968, depuis elle a toujours eu lien à cette
période".
Depuis, la confrérie parcourt le monde gastronomique au
gré des chapitres des autres confréries.
 Un exemple de stand artisanal
que l'on trouve dans les rues d'Espelette pendant les fêtes
en octobre. (D.R.)
Le 24 octobre 1999, pour le 30e chapitre de la confrérie
et la 32e fête du piment d'Espelette la première
eut lieu en 1967), c'est le skippeur basque Pascal Bidegorry
qui reçoit le prix piment 1999 des mains de Georges Dupiot.
Dominique Garacotche, producteur de piments est élu "monsieur
piment de l'année". Sont aussi intronisés
les pilotari René Muscarditz et Maïka Chembero, les
Gaïteros d'Ustaritz, la chanteuse Caroline Phillips, le
navigateur René Dabadie, Le responsable des jardins botaniques
de Stockholm Philippe Plöninge, le cuisinier suédois,
auteur de livres sur le piment Jonas Borssén, la conseillère
municipale et viticultrice Régine Ardilley et un restaurateur
français vivant aux Etats-Unis Jean-Louis Palladin. La
cérémonie s'est tenue dans le théâtre
de verdure d'Espelette devant le château des barons d'Espelette,
aujourd'hui abritant la mairie, devant de très nombreuses
confréries et un public composé de gens du cru
et de nombreux touristes venus spécialement pour l'événement.
Sophie Hontaas, journaliste |