|
Jean Haritschelhar est né à Saint-Etienne-de- Baigorry
il y a 76 ans. Depuis 35 ans il vit à Anglet. Le président
de l'Académie Basque a vécuces dernières
années des moments importants. Le dernier a été
la célébration de ses noces d'or, en décembre,
entouré de sa famille.
Même s'il nous est difficile à croire, Jean Haritschelhar
est à la retraite depuis 14 ans. Bien que retraité,
depuis ce moment-là il n'a cessé d'¦uvrer
pour l'Académie Basque en lui consacrant beaucoup de temps.
-Quelles ont été les années les plus
importantes dans la vie de M. Haritschelar?
L'année 1962 a été particulière.
Cette année-là on m'avait nommé Conservateur
du Musée Basque de Bayonne, Professeur à l'Université
de Bordeaux et membre à l'Académie Basque. Jusqu'en
1986, je suis resté à l'Université de Bordeaux
et au Musée Basque jusqu'en 1988. D'autre part en 1966,
on m'a nommé vice président de l'Académie
Basque et en 1988 honoris causa à l'Université
du Pays Basque. Quinze jours plus tard, à nouveau président
de l'Académie Basque.
-Jusqu'à quand président de l'Académie
Basque?
On verra. Etant donné que j'atteins un certain âge,
il faudra que je cède ma place. J'ai connu l'Académie
Basque à différentes époques. D'une part,
au moment du franquisme, quand le franquisme était le
plus virulent. J'ai connu aussi les années 50 à
60 quand l'Académie subsistait comme elle pouvait. Aujourd'hui
la situation est différente et on ne peut pas comparer
la période actuelle à celle d'il y a cinquante
ans. La situation est transformée et le Pays Basque est
en train de se basquiser.
-En novembre dernier, quand vous êtes allé
à Madrid avec d'autres collaborateurs, vous avez annoncé
que le gouvernement d'Aznar avait été plus généreux
que le précédent. Est-ce exact? C'est exact les choses ont changé et d'année
en année on nous attribue d'avantages d'aides. Il y a
trois ou quatre ans nous recevions quarante millions de pesetas,
puis quatre-vingt, cent et aujourd'hui cent quinze. La quantité
a augmenté d'une façon considérable, mais
ces millions nous sont nécessaires pour la qualité
de travail que nous réalisons.
La raison est que
le Gouvernement nous a placé sur le rang d'Académie
Royale et ainsi nous obtenons davantage de crédits. Mais
en même temps, je pense que les hommes politiques d'ici,
particulièrement ceux du Gouvernement basque, ¦uvrent
de façon à ce que tout se déroule ainsi.
-L'attitude du gouvernement français est différente?
En Iparralde, on milite, on lutte, mais nos élus politiques
sont sourds. Ils ne veulent pas nous écouter. Ils ont
accepté que la langue soit reconnue d'utilité publique,
ce qui n'a pas été facile, mais la situation est
différente en Hegoalde. En Hegoalde nous sommes au niveau
académique mais en France non. Nous avons rencontré
le président du Conseil Régional d'Aquitaine, il
ne nous a rien accordé. Ce n'est pas pareil de solliciter
des aides du gouvernement espagnol et du gouvernement français.
Ceux du gouvernement espagnol ne m'ont pas demandé ce
qu'on recevait de France. Nous faisons l'impossible, mais en
vain. Du conseil général nous recevons cent mille
francs.
-D'autre part dans quelle situation se trouve le basque
en Iparralde?
D'après ce qu'on dit, le basque se perd.
D'après moi la situation n'est pas si tragique, bien que
certains me considèrent optimiste sur ce sujet. Il est
vrai que nous sommes dans le creux de la vague et d'après
les dernières statistiques les bascophones sont moins
nombreux que par le passé. Ceci dit, de 18 à 25
ans, seuls 11% parlent le basque. Ce pourcentage est faible,
mais en tout nous représentons 26% ce qui n'est pas peu.
En Hegoalde le pourcentage est en hausse et ici en Iparralde
en baisse. D'autre part, sur les statistiques, on ne ressent
pas encore l'effet des ikastola. Ceci dit, l'enquête est
faite à partir de 18 ans. Dans les ikastolas en tout 17%
sont scolarisés en basque intégralement. Ce pourcentage
d'ailleurs évolue. Je pense que la chute est terminée
et que le nombre de bascophones augmentera. C'est mon analyse,
mais certains pensent que je suis trop optimiste. Que la langue
basque disparaîtra en Iparralde? Je ne sais pas, peut-être
que oui. Mais la langue basque ne se perdra pas dans tout le
Pays Basque, la force vient d'Hegoalde. Malgré tout, en
Iparralde aussi on milite, des parents décident de scolariser
leurs enfants au sein des ikastola ou dans d'autres systèmes
équivalents du modèle B. C'est certain, pas tous,
mais 17% le font, et petit à petit cette quantité
va augmentant.
-D'autre part,
en ce qui concerne Iparralde, le problème est l'officialisation.
Si la langue était officielle en Iparralde, cela changerait
la situation?
Si cette reconnaissance a modifié la situation en Hegoalde
et plus précisément dans la Communauté Autonome
Basque elle le ferait aussi en Iparralde. Le gouvernement basque
gère l'éducation mais aussi la culture, ce qui
n'est pas peu dire mais nos jacobins de français ne laisseront
pas se produire le même phénomène. L' Académie
Basque a demandé l'officialisation au Gouvernement français,
mais elle ne l'obtiendra pas facilement. De toute manière
nous renouvellerons la demande, c'est notre rôle. Le basque
connaît deux situations, l'une celle d'Hegoalde avec son
officialisation et l'autre celle d'IparraldeS C'est une langue
unique et les basques n'acceptent pas qu'on l'ignore. Je crois
que ce sera un grand pas si on nous reconnaît l'officialisation
de la langue mais sur ce sujet je ne suis pas si optimiste.
-Il y a quatorze ans que l'Académie a entamé
un travail sur l'Atlas linguistique basque. Quelle est la raison
de ce retard?
Il n'y a pas de retard. D'abord on a réalisé des
enquêtes qui ont représenté un travail considérable.
Nous avons posé 2800 questions à 145 personnes.
Ensuite il faut les écouter et les transcrire dans l'alphabet
international. Quand l'Atlas paraîtra on ne pourra pas
le comparer à celui qu'avait fait Bonaparte. Dans le premier
livre on publiera 300 cartes, toutes en couleur.
En ce qui concerne le financement, nous sommes en bonne voie.
On éditera d'une part le cédérom pour écouter
puis d'autre part l'Atlas. Le premier tome est prêt depuis
quatre mois, mais pas de financement. Je pense que nous sommes
en voie de l'obtenir, nous avons perçu la moitié
et nous sommes dans l'attente de l'autre. Quand cette opération
se réalisera, nous commencerons à publier. Au total
10 tomes.
L'Atlas sera vraiment très intéressant. Le lecteur
se rendra compte ce que sont nos dialectes et on verra qui a
¦uvré le plus en faveur des dialectes, si ce n'est
pas l'Académie.
-L'Atlas va
nous apporter un progrès considérable.
Je ne dis pas que Bonaparte n'a pas apporté beaucoup en
son temps, mais l'Atlas réalisé par notre génération
est un travail énorme. En conclusion, d'une part il y
aura l'Atlas et d'autre part, des dictionnaires de toutes sortes,
des grammaires, des recueils d'onomastique...
Je confirme que notre génération a fourni un travail
mémorable. Les générations futures tiendront
compte du travail accompli au sein de l'Académie basque
entre 1960 et 2010. Nous vivons une époque historique.
Cette époque est celle de la renaissance, du renouveau
de la langue d'une part, et d'autre part la langue basque n'a
jamais été autant étudiée que maintenant
à l'Académie et à l'Université du
Pays Basque. Vraiment, nous sommes en train de réaliser
les rêves des premiers académiciens. Ils parlaient
d'un dictionnaire, d'une grammaire, d'un AtlasSet tout cela c'est
nous qui les concrétiserons. En conclusion, nous avons
apporté un progrès scientifique exceptionnel.
-Comment percevez-vous le futur de la langue basque?
Je me rends compte que le nombre de bascophones augmente petit
à petit et que le Pays Basque est de plus en plus basque.
De toute manière on sera toujours bilingue. Je pense qu'en
Hegoalde le basque et l'espagnol sont nécessaires et que
la troisième langue devrait être le français.
En Iparralde, le français et le basque sont indispensables
et la troisième langue l'espagnol. Le basque doit être
trilingue. L'avenir je le vois ainsi.
Photographies:
Maria Agirre
Euskonews
& Media 62.zbk (2000/1/14-21) |