Située sur les contrebas de la
forêt d'Iraty, sur la commune de Mendibe, la maison LAKOA,
nous interpelle à plus d'un titre.
Source multiple de symboliques
ancestrales basques, elle nous
aidera à établir les relations entre abeilles et
soleil, soleil et maison,
reine d'abeilles et femme basque.
A quelques mètres de la
maison Lakoa, un édifice important, c'est
la borde Lakoa. Première constatation, on remarquera que
lors de son édification les maçons firent preuve
d'ingéniosité. En effet, sur la façade orientée
vers le levant ils construisirent ce mur en y prévoyant
une grande niche de deux mètres de long sur un mètre
cinquante de haut, dans laquelle se logèrent sept à
quinze ruches.
Construire une borde en pierre et en terre représente
un travail
considérable. Ainsi le fait qu'au moment de l'édification
les maîtres
d'oeuvres tinrent compte de la présence nécessaire
de l'abeille nous paraît d'une importance capitale.
On pourra penser que cette attention
particulière vient du fait qu'elles produisent un aliment
apprécié (les générations précédentes
ne connaissaient que le miel comme produit sucrant). Mais était-ce
le seul intérêt ? N'y avait-il pas d'autres motifs
plus profonds ? D'ordre spirituel par exemple ?
Sébastian EZKURDIA, berger
sans terres à Gasnategi, près d'Irati
possédait une centaine de ruches. Dans les années
1940-1944, le revenu provenant de ses abeilles dépassait
de beaucoup celui de ses brebis. Encore aujourd'hui, un de ses
amis bergers parle de Sébastian avec une sorte de respect
et d'effroi lié à sa relation avec l'abeille. Est-ce
le respect de la magie ? L'effroi de la croyance ? "Erleen
gizona: l'homme des abeilles".
Au Pays Basque les proverbes
sur les abeilles ne manquent pas ainsi disait-on d'une maîtresse
de maison, qu'elle était "aussi travailleuse qu'une
abeille". On disait aussi "Faîtes bon
accueil à l'abeille" ou encore "N'allez
pas chercher chez le voisin l'essaim qui s'est envolé
de votre rucher, car cela vous porterait malheur".
Considérons maintenant
la relation reine d'abeilles-maîtresse de
maison basque. Nous soulignerons d'abord, que le même mot
anderea - reine désigne à la foi la maîtresse
de maison et la reine d'abeilles. Dès lors, lorsque l'on
sait que l'harmonie de la ruche, de même que la condition
de vie ou de mort de l'ensemble des individus que forment l'essaim
dépendent de la reine, la terminologie utilisée
par la langue basque paraît évidente : la maîtresse
de maison est l'égale de la reine. D'où peut-être
une certaine idée de noblesse liée à l'individu
basque ? Car chez un peuple aussi rude et sauvage que les basques
(cf Aymeric Picaud : routes de Saint
Jacques de Compostelle 1134) n'est-on pas en droit de se poser
la question de l'intérêt de la pratique d'une telle
notion ? "Hitza hitz edo gizona hits" : "la
parole de l'homme doit être conséquente sinon il
n'est rien".
Autre interrogation: pourquoi
mettons-nous en relation la féminité
et la douceur du miel ? Pourquoi ne dit-on pas "aussi
doux qu'un homme" mais plutôt "femme aussi
douce que le miel" ?
Puisque lié à l'abeille le soleil lui-même
ne serait-il pas femme ?
Il est établi que le pays des Basques est le pays du soleil.
Observons pour cela le symbolisme du sanctuaire qu'est la maison
basque. Le seuil de la porte est dirigé vers le soleil,
ainsi les premiers rayons du soleil pénètrent-ils
le foyer (lieu de la reine: anderea) par la porte et la fenêtre.
Ce soleil revêt un caractère spécial puisque
matinal, il est couleur de miel. En outre comme le miel imprègne
la ruche, le soleil imprègne la maison et la prêtresse
qui l'habite.
De même que le miel s'écoule
sur les rayons de la ruche, sur les
hauteurs d'Okabe (site funéraire 5000 ans avant J.C.)
le soleil matinal glisse sur l'herbe sacrée.
Lors d'un deuil on retrouve encore le soleil dans la forme donnée
au panier de cire (relation avec l'abeille). La maîtresse
de maison
(pourquoi elle ?) amène ce panier rond comme le soleil
et la flamme qu'elle allume représente le feu du soleil.
Ce feu rappelle que la brûlure vient du soleil, de même
que le dard de l'abeille brûle et engendre la douleur.
Les Basques avaient encore un
autre rite avec l'abeille. Lorsque
l'ancien maître de maison décédait, le jeune
maître se présentait au
rucher. Il s'adressait ainsi aux abeilles "Abeilles!
abeilles! écoutez -moi : votre ancien maître est
mort, je suis désormais votre
nouveau maître, faîtes du miel pour moi!".
Manex Lanatua,
écrivain |