Hasparren
s'apprête à accueillir au printemps 2000 un centre
départemental d'archéologie. Les travaux vont commencer
en octobre prochain, dans une ancienne usine de chaussure située
à côté du fronton. Quels atouts cette ville
du Pays Basque Nord a su développer, quels seront les
apports pour le tissus local, quelle image ce centre devra-t-il
véhiculer? Questions posées à Joëlle
Darricau, propriétaire des grottes d'Isturitz Oxocelhaya
et à Christian Normand, du SRA (Service Régional
d'Archéologie).
Il y a plusieurs années,
les chercheurs et fonctionnaires du SRA (service régional
d'archéologie) d'Aquitaine ont contacté la commune
d'Hasparren pour la création d'un dépôt archéologique
puisque le contexte archéologique des Pyrénées
Atlantiques est très riche (Arancou, Biarritz, Isturitz,
Iholdy, Saint-Jean-le-Vieux, Bayonne (potentiel archéologique
urbain), Banca (site minier).
Les atouts d'Hasparren? La situation géographique: proximité
de l'autoroute, de l'aéroport de Biarritz , une population
scolaire importante (plus de 2000 élèves), un centre-bourg
de 5800 habitants qui possède des services appropriés
aux besoins des chercheurs, un Office de Tourisme classé
deux étoiles, qui s'avère être un bon relais
d'information sur la préhistoire auprès du public
.
Le choix du centre se double d'un intérêt pour le
milieu local: la reconversion d'une usine désaffectée
en plein centre, très bien placée à côté
des commerces. La Communauté de Commune d'Hasparren dont
le président est Jacques Coumet, l'a acquise avec des
aides de l'Etat essentiellement.
-De quoi se composera ce
centre? Deux parties: un
dépôt archéologique où les objets
issus des opérations archéologiques du département
des PA seront traités, marqués, inventoriés
puis stockés avant leur dévolution définitive
à un musée. Un secteur de recherche permettra à
des scientifiques de venir étudier ce matériel.
Un parcours scénographique qui aura pour vocation de faire
comprendre aux différents publics les méthodes
et les techniques de l'archéologie: quel est le travail
des chercheurs, quelles déductions font-ils de ce qu'ils
trouvent?
 L'usine de chaussure d'Hasparren
au débout du XXe siècle
(Photo: Encyclopédie Auñamendi)
-Petite visite avant l'heure: Après l'espace
d'accueil, on pénètre dans un premier espace qui
provoque une rupture d'avec le climat actuel et qui débouche
sur une reconstitution d'un paysage avec la flore et la faune
d'il y a 13 000 ans. On amorce un escalier pour remonter le temps,
débouchant sur une grotte reconstituée. Autre transfert:
habitat de l'homme à l'époque magdalénienne
organisé dans la grotte. Cet habitat découvert
par les archéologues avec des indices (le travail du temps
sur le lieux, les segmentations). La salle suivante expose les
déductions permises par les analyses: déduction
techniques sur l'art et sur la dextérité dans la
taille des tous petits objets d'une très grande finesse,
sur l'environnement.... D'une baie vitrée donnant sur
le dépôt on pourra à l'occasion apercevoir
les chercheurs au travail. La visite s'achèvera sur une
expo temporaire retraçant l'actualité de la recherche
archéologique dans les PA.
C'est n'est pas Eurodisney, on l'aura compris mais un parcours
didactif, attrayant avec plusieurs niveaux de lectures.
-Quel regard porte Joëlle Darricau,
propriétaire des Grottes d'Isturitz et Oxocelhaya sur
ce centre départemental? Il fallait redonner
une identité complémentaire à Hasparren
et j'ai essayé de faire comprendre aux élus l'importance
et les conséquences d'un tel projet.
Cela peut-être un lieu de rencontre et de colloques pour
des archéologues, un pôle incontournable pour les
scientifiques. Il y a toute une dynamique qui peut être
créée.
Mon rôle est de faire comprendre que grâce à
ce centre départemental on peut devenir un pôle
important pour la préhistoire au Pays Basque (centralisateur
des différents chantiers de fouilles). Qui a envie de
comprendre la préhistoire, de partager avec les scientifiques
l'enquête qui leur permet de reconstituer la vie de l'homme
préhistorique, viendra à Hasparren. Quant à
ceux qui veulent découvrir la préhistoire "in
situ", ils le pourront sur le "site emblématique"
qu'est Isturitz. C'est le mot qui revient chez les scientifiques.
A l'heure actuelle on a une super-carte à jouer, à
nous de devenir des incontournables.
-Vous êtes très
impliquée dans la promotion de notre région? J'ai assimilé
la notion de tourisme en milieu rural, c'est particulier, il
faut comprendre qu'on a un potentiel environnemental important
qui deviendra une nécessité physique dans peu de
temps et qu'il faut le préserver tout en l'aménageant
avec des choses intelligentes. Je souhaite que le futur directeur
comprenne la gestion de son centre dans ce sens là. Pour
que le projet soit viable, c'est-à dire pas porté
à coup de subventions, il faudra élargir les horizons
à la notion d'Euskal Lur c'est-à-dire un territoire
pour attirer les visiteurs.
-Quel est le nouveau profil
du touriste?
Il faut devancer les futures demandes.
Une prospective du comportement des touristes en 2010 vient de
paraître: nous devenons une destination de tourisme d'escapade
(4 jours), alors il faut proposer un éventail intéressant,
développer un thème précis et surtout tabler
sur une qualité irréprochable d'accueil, de prestation.
On n'arrivera à gagner des marchés qu'à
ce prix là et à être compétitif par
rapport à d'autres destinations (Prague, Angleterre).
-Votre façon de
situer la grotte dans des circuits en est l'application? Oui, cela fait longtemps
que je ne vends plus les grottes seules: avec Euskal Lur (notion
de territoire) il faut que le cadre y soit: des salles de restaurant
à caractère, des hôtels de charme, des chambres
d'hôte, le calme, l'authenticité et non pas du folklore
local, des commerçants qui ouvriront aux mêmes heures
que le centre, des librairies qui proposeront des sélections
de livres. Quand on voit ce que le Guggenheim draine, on en a
même des retombées jusqu'ici. J'ai d'ailleurs décliné
un circuit avec le Guggenheim: une journée art préhistorique
et art moderne: idée est lancée pour des groupes
d'universitaires.
De manière tout à fait
complémentaire Christian Normand du SRA explique sa conception
de l'archéologique contemporaine, à laquelle le
Centre Départemental d'Archéologie participera:
"La partie recherche du centre départemental est
conçue comme un outil au service de la recherche. Il est
évident que s'il y a recherche dans le secteur, les outils
du centre seront mis à disposition des équipes
et en même temps c'est par le biais de cette présence
que l' on pourra développer certaines recherches. La vocation
d'Hasparren est de recevoir toutes les collections du département
des PA: celles déjà recueillies et celles provenant
des opérations archéologiques présentes
et futures".
-Comment le centre s'intégrera-t-il
à la ville? Une logique devrait
s'installer autour: au delà de l'aspect scientifique qui
est prioritaire, les retombées économiques ne seront
pas négligeables: des fouilles dans un petit village pendant
plusieurs années, ce sont des dizaines de milliers de
francs injectés.
Ces recherches sont aussi destinées à aider les
gens du coin à s'approprier leur propre patrimoine, à
nous de leur faire comprendre que c'est important.
-Les résultats des
recherches seront-ils divulgués?
Nous voulons ouvrir les recherches aux médias.
Avant ce milieu était clos, comme une chasse gardée.
Là on expliquera aux visiteurs que l'on cherche pour telle
raison et quelles peuvent être les incidences. On veut
faire partager ce que l'on découvre à un maximum
de gens, en organisant des journées portes ouvertes, en
invitant des associations, des décideurs locaux à
voir un chantier de fouille.
-C'est ce qui se passe
ici à Isturitz?
Oui, Isturitz est le seul chantier visible
dans une grotte ouverte au public et depuis plusieurs années.
Les visiteurs pourront pratiquement suivre en temps réel
ce qui aura été découvert sur les chantiers
de fouille en activité dont des objets provenant de ces
fouilles. On veut quelque chose de vivant, ouvert qui donne envie
aux gens de bouger. L'espace scénografique permettra une
meilleure compréhension de l'archéologie, comme
une enquête, un voyage dans le temps. Ce centre est assez
unique car il n'y a pas de modèle dans d'autres régions.
Il faut anticiper aussi et j'espère que cela aura un retentissement
local exemplaire et au delà de la région à
travers une réalisation que nous voulons exemplaire.
-Quelle sera la condition
de son succès? Il faudra la présence
la plus régulière possible des chercheurs. Quand
il y aura des fouilles, quand des étudiants viendront
étudier une collection, quand il y aura des colloques.
Il faut aussi de la communication à l'intérieur
du monde de la recherche. Les fouilles de juillet en sont un
exemple. C'est la première fois qu'une équipe transfrontalière
collabore à cette échelle et il faut savoir ce
qui se passe de l'autre côté du col...les hommes
que l'on étudient se déplaçaient...
Alors aujourd'hui c'est au
tour de l'homme du IIIe
millénaire de se déplacer sur ce territoire unique
que sont les Pyrénées Occidentales, à la
découverte des traces de ses ancêtres!
Euskonews
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