Ospitalia de Masparraute et d´Amorots et Col d´Elhigna

Dr. Clement Urrutibehety. Gure Herria. iraila-septembre 1965

Un vieux chemin de raccordement entre les hôpitaux de Masparraute et d’Amorots prenait le départ au quartier la Herrerie de Came sur la rive gauche de la Bidouze, à Grand-Maison, ancien établissement des Templiers comportant l’équipement hôtelier à l’enseigne d’une mansio, et la protection de ses moines soldats. C’est sous le signe de l’hospitalité que se développe le chemin de Grand-Maison à Benta d’Arrraute, de Benta à Pillelardit, de Pillelardit à Ospitalia de Masparraute, d’Ospitalia à Idiartia de Succos, d’Idiartia à Ospitalia d’Amorots et d’Ospitalia à Jacquesenia de Beyrie, la fausse note de Pillelardit se fondant elle-même dans une dominante d’accueil.

À la sortie du gué les peires le chemin aborde les landes du pays de Mixe, il monte auprès de la maison Pettanborda de Charritte et atteint la D. 11 de Saint-Palais à Bidache à hauteur de la maison Benta, ou la Bente de Charritte, ancienne auberge comme son nom l’indique. Au haut d’Arraute, à deux kilomètres de Benta, une autre maison servait d’auberge, surnommée Pillelardit à la manière de maintes auberges de Gascogne, parce que les bouviers de Came et de Bidache, précurseurs des routiers modernes, y laissaient leurs dernières pièces de monnaie, me souffle la fille de la maison, leur dernier ardit. L’unité monétaire de Gascogne rend compte de l’emploi généralisé des espèces morlanes, l’ardit étant le quart du sou morlaas et le sou le vingtième de la livre morlane. Près de la cote 192 le Guide Michelin signale un beau point de vue correspondant exactement à l’emplacement de Pillelardit. Le panorama embrasse tout le pays de Mixe barré au Sud par le Mont St-Sauveur et par la chaîne des Pyrénées à l’arrière-plan. On découvre une douzaine de clochers depuis Bergouey-Villenave et Orègue jusqu’à Béhasque et Arbérats, ainsi que les trois tourons de La Mulary, de Garris et de Luxe où s’élevaient les principaux châteaux du pays. C’est la texture complète du pays, du pagus, qui saute aux yeux, unité géographique et division politique du pays de Mixe dont la trame vivante survit à toutes les conquêtes et à tous les régimes, communauté naturelle qui groupait vingt-sept communes, plus ou moins amputée par ci et agrandie par là, mais renaissante dans le canton.

BORNES DE MIXE

Les landes appelées bois de Mixe, propriété indivise des vingt-sept communes composant anciennement le pays de Mixe, cernaient la Navarre au Nord en direction de Bidache, et s’étendaient de Labastide-Clairence à l’Ouest à la Ferrerie de Came à l’Est, où la Bidouze servait de frontière entre la Gascogne et la Navarre. Deux autres points complétaient la ligne de démarcation dans les Landes de Mixe, deux bornes dont la situation et le nom se trouvent précisés sur le vieux plan cadastral de la commune d’Arraute : la borne de Cassou Brustat sur la D. 11 de Saint-Palais à Bidache et la borne de Cassos Aradits sur la D. 313 d’Arraute à Bidache, à la limite l’une et l’autre des territoires d’Arraute et de Bidache.

Le toponyme Cassou Brustat pour désigner le faîte du chêne frontière s’est transmis à la borne en pierre qui lui a succédé sur place. Toujours debout et visible en bordure de route sur le côté gauche en allant vers Bidache, à deux kilomètres de la maison Benta et à 5 km. 800 de la place d’Arraute, elle se trouve à égale distance de Bidache et d’Arraute, utilisée maintenant comme pilier perforé d’un trou à sa partie supérieure pour la fermeture d’un portail.

Moins heureux sur la route qui sillonne en plein bois de Mixe nous avons seulement recueilli des variantes graphiques de Cassou Aradits, Cassou des Arradits, Cassou d’Arradits, ou encore les Arradits de Cassou, les racines du chêne qui entrent en scène dans les registres de délibérations d’Arraute à l’occasion du cantonnement demandé par la ville de Bidache dans le bois et les landes du pays de Mixe. Les habitants de Bidache possédaient en effet une part indivise des communaux du pays de Mixe, et ce sont eux qui bénéficièrent au premier cantonnement forestier de Mixe, c’est-à-dire du remplacement du droit d’usage général qu’ils partageaient avec les communes co-propriétaires de Mixe par la propriété limitée d’une partie des communaux.

Les commissaires de Bidache et les maires des vingt-sept communes du pays de Mixe avaient accepté une convention en l’an II, mais le cantonnement définitif avait échoué par suite d’un désaccord sur une langue de terre de moins d’un hectare située « vis-à-vis de la ferrerie » de Came, que les deux parties voulaient conserver.

Le projet de cantonnement fut repris au mois d’avril 1819 « en assemblée générale des maires comportant le cy-devant pays de Mixe » réunis à Saint-Palais, les bases d’accord de l’an II adoptées et la langue de terre en litige dévolue à Bidache, la surface totale du cantonnement en faveur de Bidache étant de 997 hectares de terre et bois. Le pays de Mixe pouvait ainsi mettre un terme aux dévastations incessantes commises sur toute l’étendue des landes et des bois par les habitants de Bidache en les privant du droit d’usage et du droit de parcours sur le reste des communaux.

Ce projet de cantonnement devait être soumis au vote de chaque commune depuis la suppression de l’administration communautaire du pays de Mixe au début de la Révolution. Le conseil municipal d’Arraute se déclara le 10 juin 1920 insuffisamment éclairé sur les prétentions de Bidache et sur les droits réels d’Arraute, mécontent de la gestion de la commission administrative provisoire instituée le 1er mars 1805 par le préfet de Castellane en remplacement de l’administration communautaire, « ne connaissant aucune loi qui ait dérogé au mode d’administration auquel les dits biens étaient soumis depuis des siècles, la propriété du d. bien de Mixe a été toujours reconnue patrimoniale aux vingt-sept communes composant le pays de Mixe, et d’ailleurs si bien établie que les Souverains même n’y ont prétendu » et par là même incapable faute de documents et de pièces authentiques de délibérer sur l’objet de la demande à savoir le cantonnement en faveur de Bidache, observant cependant qu’une limite se trouve placée bien avant dans les communaux de Mixe vers la commune d’Arraute, alors qu’elle doit se trouver au lieu connu sous le nom des Arradits de Cassou », et demandant pour sa part la cessation de la jouissance indivise et le partage des communaux conformément à l’article 6 de l’arrêt du Conseil du 9 mai 1773, c’est-à-dire le bénéfice du cantonnement à son endroit.

Par lettre du 1er juillet 1820, le Sous-Préfet de l’arrondissement de Mauléon répondant à cette délibération invite le maire d’Arraute à prendre une seconde délibération avec des conclusions positives sur le cantonnement soumis à son conseil en faveur de Bidache. Il le renvoie pour plus ample informé à la commission administrative provisoire, détentrice des pièces du procès pendant depuis longtemps entre la commune de Bidache et celles du pays de Mixe. À propos de la borne, dit-il, « il est du plus grand intérêt pour les communes de Mixe de s’assurer que les limites du cantonnement accordé à la commune de Bidache sont bien les mêmes que celles convenues par les commissaires de Bidache et les membres de l’Assemblée générale (du pays de Mixe). Il est incontestable que le Cassou des Arradits était une de ces limites, et il est du devoir de votre conseil municipal de réclamer le redressement des limites sur ce point ».

Le cantonnement est approuvé à l’unanimité le 16 juin 1821 par le conseil municipal d’Arraute tel qu’il fut établi en assemblée générale d’Arraute tel qu’il fut établi en assemblée générale des maires du pays de Mixe les 14 et 16 avril 1819, conformément au procès-verbal de bornage des communaux de Mixe du 17 avril 1819 et au plan visuel du 22 du même mois, « pour être exécuté en tous ses termes sous la condition que la Borne sera placée dans l’endroit où était véritablement le Cassou d’Arradits ».

L’hôpital de Masparraute, la maison Ospitalia, située en bordure de la D.11 de Saint-Palais à Bidache, aux confins de Masparraute et d’Arraute, se signale par une tête en ronde bosse au-dessus de la porte d’entrée datée de 1754. Les registres de Masparraute qui existent dès le XVII° siècle ne font mention que des curés de la paroisse sans référence à un quelconque prieuré, et les habitants d’Ospitalia eux-mêmes ont simplement retenu l’existence ancienne d’une auberge où s’arrêtaient les bouviers, les transporteurs à destination de Came. Leur propos confirme la liaison, objet de ce chapitre, que nous avons précisément suivie au départ de ce chapitre, que nous avons précisément suivi au départ de Grand’Maison de la Ferrerie de Came par les autres auberges de la Bente et de Pillelardit. Une partie de ce tracé figure sur la carte de Cassini d’Arraute à Saint-Palais.

Mais il est d’autres chemins convergeant à Ospitalia de Masparraute avec suffisamment de vigueur pour imposer un véritable carrefour, qui s’insère et revit à Ospitalia à la lumière des observations topographiques et des relevés cadastraux. De leur étude ressort l’ancienneté de l’infrastructure routière qui a conditionné des limites communales et donné naissance à Ospitalia. Fonctionnellement inséparable du carrefour, Ospitalia n’a plus de justification après le déclin du carrefour, aussi son origine ne saurait-elle se limiter d’aucune manière au XVIII) siècle ni son existence s’y confiner.

En face d’Ospitalia débouchait le chemin de Viellenave et de la Mulary. Les traces s’en effacent progressivement, et des deux haies bordantes il y a peu une seule subsiste après débordement d’un champ. Ce tronçon terminal sépare un champ de Masparraute d’un champ d’Arraute ; le chemin reparaît derrière la maison Miquelet d’Arraute, et il est deux traits à noter sur le vieux plan cadastral d’Arraute : l’appellation chemin de Labastide-Villefranche, c’est-à-dire de Bergouey et de Villenave, et son insertion à la limite des territoires d’Arraute et de Masparraute sur quelque 180 mètres. On suit le chemin en arrière de la maison Emachondoa où la tradition du passage des pèlerins s’est maintenue, et l’on rejoint le chemin de Cibieta, dernière maison de Masparraute, d’où l’on descend entre deux rangs rectilignes de fil de fer barbelé vers le bois de la Mulary. Le chemin se perd dans le bois, et rien de plus aisé que de s’y égarer à l’instar de la femme du voisinage qui erra toute la nuit avant de pouvoir en sortir. Un point de repère essentiel est pourtant connu de tous, encore que pas commode à retrouver, nous l’avons vérifié à nos dépens, le pont de la Mulary dit pont romain, où passait la route sur le ruisseau Mihouret à la limite de Biscay et de Viellenave. Ce pont roman à une arche bombée est semblable à celui du moulin d’Aincie de Beyrie, arche en pierre rouge effrité sur une berge et dont le pavement est en partie visible sur le dessus. Au pont s’effectuait la jonction du chemin de Viellenave et du chemin du château de la Mulary en direction d’Ospitalia de Masparraute . Deux précisions sont ancrées dans les mémoires, la qualification romaine et les rixes dont il fut souvent témoin. Quelques 400 mètre après la sortie du pont le chemin débouche au pied de la colline la Mulary, fief primitif des Gramont.

Entre Ospitalia de Masparraute et la première maison d’Arraute, anciennement dénommée Hachaga, descend un autre chemin, dit d’Orègue à Masparraute, qui va séparer lui aussi quelques mètres plus bas les territoires de Masparraute et d’Arraute sur une distance de 120 mètres environ.

De l’autre côté d’Ospitalia, la croix de la maison Bordatoa marque le départ du chemin d’Ospitalia à Succos, dit de Succos à Masparraute dans le vieux plan d’Arraute. Il est connu depuis Bordatoa sous le nom de chemin de la Tannerie, en souvenir de l’établissement disparu sur la rive gauche du ruisseau Lascueta. Le chemin franchissant un pont en pierre adjacent reconstruit en bois et désaxé maintenant par rapport à l’ancien chemin. Le pont et la tannerie, ainsi que le chemin situent la limite des trois communes de Masparraute, d’Arraute et de Succos. Le pont franchi, on borde une languette du territoire d’Arraute, le quartier Sorhoueta du nom de la maison Sorhouet disparue, le chemin se glissant sur quelque 15-20 mètres à l’union des trois communes avant de monter rectiligne le long de la haie aux confins des territoires d’Arraute et de Succos, et de gagner la maison Ehulondoa de Succos. Il laisse à droite un turon d’une cinquantaine de mètres de diamètre situé en haut de Sorhoueta. Le défrichement de la parcelle n’a épargné qu’une partie du turon, du fossé et du talus.

Cinq chemins en résumé adhéraient au carrefour d’Ospitalia de Masparraute : chemins de Viellenave-la-Mulary, d’Orègue, de Succos, de la Herreire de Came et de Garris-Saint-Palais.

OSPITALIA D’AMOROTS

La maison Ospitalia d’Amorots, l’hôpital du vieux plan cadastral, Zabala y l’Ospital en 1513, se présente à l’écart de l’agglomération et apparemment à l'écart des chemins, isolée et bercée par les collines ondoyantes qui l’entourent, déchue du rang de prieuré-hôpital qu’elle occupait avec sa chapelle, d’aspect vétuste et accueillant. Aucune trace de chapelle n’est discernable si ce n’est les fondations d’un mur parallèle à la route et qui pourrait lui être attribué. Son existence et son ancienne dépendance de la commanderie d’Irissarry de l’Ordre de Malte, c’est à peu près tout ce qu’a livré Ospitalia, et il est nécessaire de recourir aux éclairages extérieurs et au contexte topographique comme moyen d’approche et de connaissance. La méthode qui a servi pour Pellegrinia de Garris et pour Ospitalia de Masparraute montrent ici encore l’intérêt du site et d’une implantation jacobite à la fourche de trois chemins et d’un quatrième aujourd’hui disparu, chemins de Succos, de Méharin, de Beyrie et d’Orègue.

Un lieu de pèlerinage aux abords d’Ospitalia et de son carrefour est le seul souvenir qui ait survécu entre Ospitalia et Jauberria. Une source appelée Jondonaneko ura ou ithurria, fontaine Saint-Jean, alimente la maison Ospitalia et reçoit en outre l’hommage traditionnel d’un bouquet de fleurs à la Saint-Jean. Elle était l’objet d’un culte, pèlerinage jadis fréquenté, selon le témoignage de la grand-mère d’Olloquia proche d’Ospitalia et que nous recueillons sans autre précision.

Quittant l’Ospitalia de Masparraute, on foule le territoire de Succos rattaché à Amorots depuis 1841, par devant les maisons Ehulondoa et Idiartia, où s’opérait la jonction avec le chemin d’Orège, qui n’est autre que l’ancien chemin de Bayonne - Labastide-Clairence – Garris – Saint-Palais de l’Atlas de Jaillot. Une tradition hospitalière de la meilleure veine quoique tardive, se maintient à Idartia en une formule laconique de bienvenue gravée sur le linteau de la porte d’entrée, à l’ombre d’un vieux chêne centenaire, et qui se passe de commentaire :

Entre mon ami, l’an 1796

Confondu sur quelque 500 mètres avec le chemin vicinal actuel de Masparraute à Amorots, l’ancien chemin coupe ensuite à gauche en direction de Béguios suivant le tracé de l’itinéraire de Jaillot par les maisons Apathie et Laurenchenia en bas du chevet de l’église Saint-Martin de Succos, par la maison Lascoueta jusqu’à la crois processionnelle de la maison Atchemotonia de Béguios sur la D. 123, avec laquelle il se confond à la limite de Béguios et d’Amorots, entre la croix processionnelle d’Atchemotenia de Béguios et la croix processionnelle de Bidandepia d’Amorots, les deux croix signalant deux tronçons de l’ancien chemin.

Dans un champ du voisinage coule la source Sainte-Lucie, sous le même vocable que la patronne de l’église d’Amorots. Son culte n’est pas complètement abandonné puisqu’un fidèle s’en est approché, nous, dit-on, en 1962, année de sécheresse de la source ; les enfants anormaux ainsi que les enfants retardataires pour la marche y avaient accès il n’y a guère, et il est intéressant de noter l’extension prise par le culte de la marche des petits enfants que nous n’avions jusqu’ici observé qu’à l’intérieur d’anciens oratoires des chemins de Saint-Jacques.

Au-delà de la croix de Bidandepeko Kurutzia et d’un four à chaux en pierre rouge, la toponymie double la route à la faveur d’une zone isonomastique de trois noms de maisons qui s’accompagnent et jouent sur trois claviers superposés :

Miramonde-baig, Miramonde-gain et Miramondeberry de l’ancien plan cadastral d’Amorots-Succos, Miramon de bas (ou vallée), Miramon de haut et Miramon neuf.

2° Bidegain de Pé, Bidegain de gain et Bidanberry du nouveau plan, en haut du chemin de bas, en haut du chemin de haut et Bidainberry ou Bidegainberry, en haut du chemin-neuf.

3° maisons courramment désignées maintenant Bidandepia, Bidandegain et Bidandeberrita ou Bidanberrita littéralement en bas du grand chemin, en haut du grand chemin, grand chemin neuf.

Un champ de la maison successivement appelée Miramon de baig, Bidegain de Pé et Bidadepia relie celle-ci au chemin. Une motte circulaire entourée d’un fossé en bordure de cour fait office de mare à canards, tout en dominant la campagne environnante et justifiant l’appellation « mire mont » naturellement donnée l’habitat, maison forte qui s’y dressa primitivement et dont le souvenir perdu peut être rétabli grâce aux données toponymiques et topographiques.

La maison voisine Carricaburia, tête de chemin, voit le chemin se creuser jusqu’à une profondeur de deux mètres, monter en direction de Miramon de gain, Miramon gainea, Bidegain de gain ou Bidadegain, et rejoindre le chemin vicinal actuel de la place d’Amorots à la maison Ospitalia d’Amorots, ancien chemin vicinal dit de Succos à Méharin.

Récemment goudronné ce chemin monte à flanc de montagne jusqu’à Ospitalia, il continue au-delà d’Ospitalia en côtoyant la source Jandonaneko ura blottie dans un pli du terrain, et débouche sur la D. 14 de Saint-Palais à Hasparren à la limite des communes d’Amorots et de Béguios, au-dessus de la maison Miramondeberry, Bidainberry, Bidamberry ou Bidandeberrita d’Amorots. C’est l’ancien chemin dit de Larre à Beyrie du nom d’une maison voisine d’Ospitalia, et qui reliait l’hôpital d’Amorots au col de Begoué, à la montagne d’Aspiné et au col d’Elhigna.

Un changement d’optique s’est opéré suivant les époques dans cette zone isonomastique, à partir des belvédères et de l’horizon par là même découvert, en fonction de la route unitive des trois maisons . Une constante existe dans les deux premières versions, notion de hauteur par rapport au paysage, mont, et par rapport à la route, gain, en haut. Nous ne sommes pas du tout certain que les Bidande de la troisième version soient d’authentiques Bideandi, grand’route, mais convaincu plutôt des glissements du langage nous y verrions volontiers des Bidonde, des maisons à coté de la route, par analogie avec les graphies Miramonde, altérations elles-mêmes de Miramon de.

L’hôpital d’Amorots drainait un autre chemin aujourd’hui disparu correspondant à l’ancien chemin dit de Succos à Méharin. En partie détruit par le défrichement, il descendait aux confins d’Amorots et de Méharin, on le voit reparaître après la maison Larria de Méharin vers Olloquia, Olloquiberria, Larraldia, Ayhartiza, Errecartia, atteindre entre Ithurbidia et Larrasta le pont de Méharin sur la D. 14, ou Larrasta le pont de Méharin et de Beyrie. Il franchissait le ruisseau à gué en empruntant le chemin vicinal actuel de Méharin à Beyrie qu’il quitte bientôt pour traverser le ruisseau d’Ascongarat vers la maison Chotil disparue, la maison Harribelsague où il s’engage au flanc d’Aspiné en vue lui aussi du col d’Elhigna.

Complétant le carrefour d’Ospitalia d’Amorots, un dernier chemin conduit à la montagne vers la maison Izaacq disparue, Izaacqborda et débouche au quartier Laharane d’Orégue.

CAQUILLA

Une autre maison, un autre quartier font écho sur le territoire d’Amorots à la maison et au quartier Ospitalia : la maison et le quartier Caquilla au voisinage de l’église. Un décalque de coquille transparaît dans la toponymie et l’onomastique locales. Au côté des Composta, Pelegrin, Ospital ou Dospital, le Basque a adopté le nom propre Caquilla, que le Basque moderne orthographierait Kakila, pour désigner cette maison et ce quartier d’Amorots où la tradition reconnait un emprunt à l’insigne jacobite et une mutation de Coquilla. Caquilla rappelle une autre maison, Caquilia du quartier Celhay d’Hasparren, tributaire mêmement de la coquille par indadvertance et variation phonétique de Coquilia en Caquilia. On trouve la coquille préservée à l’état pur dans le patronyme dérivé de topnyme, Quoquilaberri, coquille neuve, que nous empruntons au registre paroissial de Masparraute de l’année 1676, où une Jeanne de Quoquilaberri, maîtresse de la Garde la Labets tient un nouveau-né sur les fonts baptismaux. Quoquilaberri implique l’existence d’un toponyme plus ancien, d’une maison Quoquilla, dont nous venons de présenter les versions Caquilla d’Amorots-Succos et Caquilia d’Hasparren.

COL D’ELHIGNA ET MAISON JACQUESENIA

La chaîne de Begoué-Aspiné-Elhigna aspire les deux bretelles d’Ospitalia d’Amorots ainsi que le chemin des seigneurs de Luxe précédemment étudié. Le chemin des seigneurs de Luxe atteignait un premier col de Bégoué entre Bégoué andi et Bégoué ttipi, la bretelle d’Ospitalia-Bidanberrita empruntant un deuxième col de Bégoué entre Bégoué andi et Burusti. Cette dernière gravit avec la piste du col de Bégoué andi-Bégoué ttipi. Le chemin à flanc d’Aspiné qui lui fait suite sur le versant de Beyrie a son pendant sur le versant de Méharin, tel que nous l’avons décrit pour la bretelle d’Ospitalia d’Amorots à Méharin.

Par cette double voie d’Aspiné viennent prendre appui au col d’Elhigna la liaison de Garris-Luxe d’un côté et la liaison Grand’Maison – Ospitalia de Masparraute et Ospitalia d’Amorots, de l’autre, le col d’Elhigna drainant l’ensemble des chemins de Garris, Luxe, d’Amorots, de Lantabat, d’Iholdy et de la chapelle Oxarty, de Méharin et d’Armendarits.

Au creuset d’Elhigna loge la maison Jacquesenia de Beyrie, la maison de Jacques. Il est sûr que ce n’est pas celle qui nous a conduit sur les pentes d’Aspiné et que nous nous sommes gardé d’une séduction trop facile en arborant du St-Jacques au col d’Elhigna ; Elhigna est seul responsable de l’adoption de Jacquesenia, maison qui passe pour très ancienne, appelée par sa situation même au nœud du col à servir de centre d’accueil ou d’auberge, à l’image d’Ospitalia d’Amorots à l’autre extrémité de la chaîne. Aiguillage d’Ospitalia d’un côté, coordination de Jacquesenia de l’autre, si bien qu’on ne peut s’empêcher, en l’absence de tradition et de document, de se demander si la maison de Jacques n’était pas bel et bien une maison de Saint-Jacques et un relais de pèlerins. On sait la familiarité dont use par endroits le Basque à l’égard des saints, il n’est que de songer à Jacobe Bidia, le chemin de Jacques, au pied du mont St-Sauveur de Saint-Palais, ou à un exemple plus récent en la personne de saint Michel Garicoits qui a donné en basque Garicoitsenia, la maison de Garicoits à Saint-Palais et Garaikotxea, également la maison de Garicoits à Paris.

Les noms de montagne, parmi les plus anciens de la toponymie, et autrement difficiles à résoudre, se sont fixés dans leur cadre réel et pétrifiés dans leur sens originel qui

résiste à l’analyse étymologique. Tout au plus peut-on suggérer pour Elhigna un rapprochement avec la graphie Elinia pour Oloron, donné par le Dictionnaire Topographique des Basses Pyrénées d’après la notice des provinces. Ils sonnent familièrement aux oreilles des autochtones, mais les sites privilégiés qu’ils désignent, naturellement préservés et aujourd’hui délaissés, ne sont plus que des réserves de solitude et de beauté, flamboyant sous les feux de la lande et sous le vent d’automne.

Du col on suit la piste à flanc d’Elhigna, laissant sur la droite la redoute du sommet, camp d’Elhigna allongé et découpé à l’intérieur de ses vastes fossés. Le château d’Armendarits qu’il domine a honoré Saint Jacques : noble Jacques de Moneins d’Armendarits, témoin d’un mariage le 25 aout 1749 (Reg. D’Armendarits) est « commandeur » de l’hôpital de St-Blaise de Miséricorde dans le diocèse d’Oléron », et dans l’église d’Armendarits repose Armd Jn baron d’Armendarits, lieutenant général des armées du roi d’Espagne, gentilhomme de sa chambre, Grand’croix de l’Ordre Royal de St-Hermenegilde, chevalier de Saint-Jacques, né le 27 juin 1757, décédé le 28 avril 1833.

La piste se dirige vers Iholdy par les montagnes d’Elhignoumé, le petit d’Elhigna, et d’Osina d’Armendarits , les maisons Gainecoetchebarnia, Mendiburua d’Iholdy et Ithorotchia au pied de la montagne, Uhaldia en bordure de la D. 8, le château d’Olce côtoyé par l’ancien itinéraire D’Iholdy à la commanderie des chevaliers de Malte, Ospitalia d’Irissarry. Le lien de dépendance d’Ospitalia d’Amorots et d’Ospitalia d’Irissarry n’a pu que favoriser cette liaison des chevaliers de Malte, et nous savons que les vieux Basques empruntaient couramment le col d’Elhigna pour aller d’Iholdy à Garris.

Un autre chemin, auquel nous avons fait allusion à propos des seigneurs de Luxe, de leurs barronnies et de liaison seigneuriale des trois baronnies de Luxe, de Lantabat et d’Ostabat, descendait du col d’Elhigna jusqu'au pont de la maison Obiloa de Beyrie, et assurait la liason avec la vallée de Lantabat, la vallée de la Joyeuse et le col d’Ipharlatcé d’Ostabat.

Les deux bretelles qui s’imbriguent à Bégoué-Aspiné-Elhigna expliquent le dessin des anciens tracés de col en col et de montagne en montagne, libérés des agglomérations, réservés à la circulation des piétons et des cavaliers et aux longues communications, conçus avant la lettre et la chose un peu à la manière des autoroutes.

Derniers ennemis de la route, et plus encore des troupeaux, les loups firent leur réapparition à Elhigna à la fin du mois de septembre 1861, et dressèrent contre eux les communautés d’alentour dans une battue générale autorisée le 30 septembre 1861. Le maire d’Armendarits, Mendiburu, écrivait en ces termes à M. le Sous-Préfet :

« J’ai l’honneur de vous informer que depuis quelques jours les loups font de grands ravages dans les troupeaux qui pacagent dans notre montagne d’Elhigne située aux confins des communes de Méharin, Lantabat et Beyrie. J’ai écrit par le courrier de ce jour aux maires de ces trois communes pour les engager à demander à leur tour l’autorisation de faire une battue générale dans nos bois respectifs. Je vous prie, Monsieur le Sous-Préfet, de vouloir bien dans l’intérêt des propriétaires de nos troupeaux m’autoriser à faire cette chasse le jour que vous voudrez bien nous fixer. » (Reg. D’Armendarits.)

Docteur URRUTYBEHETY

Gure Herria octobre 1965

 


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