Un
apport de la médecine populaire à l'ethnologie * Traduction au français de
l'original en basque |
Txomin
Peillen |
Vient de paraître
en 1998 une étude sur La médecine et les médecins
populaires en Soule, ouvrage en langue basque, publié grâce
à la Fondation Jose Miguel Barandiaran et au groupe de Sciences Naturelles
Arantzadi. Ce livre édité sous la forme d'un Anuario de
Eusko Folklore 1994-1995, porte sur trois points: les documents du XVI
ème au XIX ème siècle qui, en basque souletin, traitent
de la médecine, une enquête auprès de trois guérisseurs
sur six pratiques actuelles, un questionnaire auprés de cinqu informateurs
d'âge varié (26 à 87 ans) et auprès de quatre
personnes bascophones du milieu médical.
L'ouvrage garand format et sur deux colonnes comportent des commentaires
sur la langue mais aussi sur les aspects biologiques du corpus, l'auteur
est de double formation linguistique et biologique. Les deux cent soicante
cinq pages en basque sont suivies d'un résumé de 25 pages
en français standard. Le corpus est en basque parlé, mais
les commentaires en basque standard.
Les conclusions de l'étude sont d'abord que l'enquête en langue
maternelle et la publication du corpus, tel quel-sont primordiales pour
avoir des résultats assez complets et une fiabilité plus grande.
Cette étude montre la vivacité des pratiques parallèles,
chez des personnes qui de plus en plus se protégent des accusations
d'exercise illégal de la médecine par des études médicales
ou para-médicales : ainsi les rebouteux sont kinésithérapeutes
depuis deux générations c'est le cas des daunatua Aguerre
et les autres, pour le moins ceux que j'ai consulté, pratiquent gratuitement
leur art. Seul le guérisseur laïc Jean Inchauspe, qui traite
les maladies de la peau, alterne la formule magique en basque, béarnais
ou français avec la récitation de Paters. Pour les simples
nous avons eu la chance de recueillir le savoir de sa mère par l'intermédiaire
du religieux le Père Junes Casenave, qui continue la longue tradition
des prêtres connaisseurs en plantes médicinales. Du même
informateur nous avons pu recueillir une légende et des traditions
sur les pratiques de digipuncture et de relaxation des bergers basques.
Quant à la médicine domestique l'interrogation des plus anciens
Monsieur et Madame Davant Zabalain, nous a fourni des aperçus d'une
médicine archaïque (emploi de cendres et plantes, alternance
d'une semaine alcoolisée avec une semaine à l'eau...) et de
pratiques de l'accouchement accroupi, de la diète au bouillon de
poule du premier jour pour la parturiante ect...
Notre informatrice sexagénaire, Madeleine Carricaburu- Aguer par
contre, nous a décrit très en détail une médicine
standard, apprise auprès des médecines entre les deux guerres,
et appliquée dans les maisons; là point de recettes magiques,
mais le souvenir d'épidémies et de pratiques de saignées
de printemps du grand-père et de purges à la même saisons
de l'informatrice. Enfin l'interrogatoire de la plus jeune, Eliane Hegiaphal,
a montré l'heureuse lacune des réponses sur des maladies disparues,
mais aussi la connaissance de quelques remèdes magiques ou d'utilité
immédiate. Un montagnard Allande Artigau Elixagarai nous a parlé
savamment de la médecine d'urgence en montagne et Jean Carricaburu
Dordorraga de la nutrition. L'apport du personnel médical fut intéressant
pour l'évaluation de cette médecine, un médecin homéopathe
R. Accoceberry, un pharmacien M. Larrègle et deux personnes para-médicales
Mesdames Agergarai et Etchecopar nous répondirent. Ces dernières
obtiennent un certain succés: elles réussissent à maintenir
à leur domicile de grands malades, et participent à la sauvegarde
d'une vieille tradition montagnarde, qui rechigne á la maison de
retraite.
Pour la partie historique nous avons recueilli les proverbes du XVI ème
et XVII ème siècle, les allusions dans les livres religieux
de la Contre-Réforme, un livre de recettes du XVIII ème siécle
ainsi que 150 strophes tirées du théâtre comique et
qui décrivent la réalité de la médecine au milieu
dudit siècle. L'ouvrage comporte aussi des études sur la prévention
des maladies, l'hygiène, les pratiques pour calmer la douleur, l'usage
des eaux minérales et thermales.
L'ensemble de l'étude révèle la perméabilité
du monde des pratiques populaires aux connaissances savantes européennes;
en effet le Pays Basque situé au principal carrefour des routes de
Saint Jacques de Compostelle est un conservatoire -parfois hétéroclite-,
de nombreuses connaissances transmises par l'écrit basque, recettes,
descriptions des complexions, de la physiognomonie, des plantes médicinales.
(Libre en basque du XVIII ème siècle avec des passages d'Albert
le Grand); pour les plantes médicinales nous avons pu montrer quelles
sont les sources espagnoles et franco-allemandes, comme la botanique de
Kneipp, qui influença à la fin du XIX ème siécle
un livret de simples de l'abbé Althabegoity diffusé dans toute
la province de Soule C'est pourquoi nous avons recueilli les noms des 179
plantes utilisées, récemment, en médecine basque, leur
composition chimique, leur effet, dans l'espoir que d'autres chercheront
à établir la validité de ces remèdes, analyse
que nous avons peu abordé n'étant pas diplômé
de mèdecine. Les nombreuses notes permettront sans doute à
d'autres chercheurs d'approfondir cette collecte monogéographique
très variée.
Txomin Peillen Karrikaburu, investigateur. |
|