Projet de recherche soutenu par Eusko Ikaskuntza
Problématique et axes de recherche:
La problématique de la recherche -qui s´inscrit dans le
cadre d´un doctorat en sciences politiques (IEP Bordeaux)- est centrée
sur l´articulation entre religion et construction de l´identité
collective. Elle entend confronter une représentation fonctionnelle
de la réligion -en l´occurrencele catholicisme-perçue
à la fois comme système de valeurs et comme cadre organisationnel,
et une conception situationnelle de l´identité, celle-ci étant
constamment redéfinie par les frontières qui lui sont attribuées.
Quelle est la part du catholicisme dans la construction identitaire basque?
Maintes fois étudié sous ses aspects politiques, économiques
et sociaux, les phénomène identitaire basque l´a rarement
été sous cet angle. La recherche entend également palier
à un déficit d´études comparatives entre le Pays
Basque français et espagnol. L´hypothèse de travail
est celle du rôle crucial joué par le catholicisme, à
la fois comme système de valeurs et comme base organisationnelle,
dans la structuration de l´action collective identitaire. Trois grands
axes structurent à la fois la méthodologie de la recherche
et le plan d´exposition: on tentera d´analyser le rôle
crucial du facteur religieux dans la construction identitaire dans la sphère
du politique, du "culturel" et du socio-économique.
1. Religion et nationalisme
Cette première partie est consacrée au nationalisme considéré
essentiellement comme "un principe politique qui affirme que l´unité
politique et l´unité nationale doivent être congruentes"(1).
Une telle définition écarte donc provisoirement les autre
types de mobilisations identitaires, qu´elles soient culturelles ou
socio-économiques. On choisira ici d´analyser la mobilisation
nationaliste au prisme du religieux, facteur souvent invoqué mais
rarement mis au centre de l´analyse. De façon à la fois
chronologique et thématique, quatre axes seront successivement traités:
l´impact du religieux sur la phase proto-nationaliste de la réaction
légitimiste (carlisme au sud, réaction anti-révolutionnaire
au nord) tout d´abord, puis le développement de l´ethno-nationalisme
proprement dit avec l´apparition du PNV au sud et la diffussion limitée
de ses idées au nord. Une troisième section s´interrogera
sur la conjonction de la sécularisation annoncée du nationalisme
d´une part et de l´entrée en crise durable de l´institution
catholique d´autre part. Enfin, une dernière partie analyse
les recompositions contemporaines du rapport entre le religieux et les expressions
politiques de l´identité en Pays Basque, notamment au travers
de l´enjeu territorial.
2. Religion et construction de l´identité culturelle
basque
La culture est le second axe de cette recherche. En laissant de côté
la "trajectoire" historique des nationalismes basques, c´est
aux interactions entre religion, culture et identité que l´on
s´intéresse ici. A un plan chronologique succède cette
fois une organisation thématique, puisque le vocable "culture"
se décline lui-même en trois sous-ensembles: la langue, la
mémoire collective et l´innovation culturelle: parler, se souvenir
et créer. Au sein de chacune de ces thématiques s´articulent
des discours et des stratégies, des enjeux parfois institutionnels
-c´est bien sûr la question scolaire, intimement liée
à la langue- et des trajectoires d´acteurs. Certainement moins
évidente à déceler que dans la première partie
consacrée au nationalisme, la part du religieux est pourtant fondamentale
ici, car la construction de la culture renvoie aux schèmes fondamentaux
de la pensée. Peut-on transposer au cas basque ce que d´aucuns
ont écrit du Québec en parlant du "passage de la religion
à la culture"? L´idée du "passage" de
l´une à l´autre, si elle est trop schèmatique,
a le mérite de souligner la correspondance étroite entretenue
par les deux termes, équivalents à plus d´un titre.
3. Religion, identité et action collective
On s´interroge ici sur l´influence qu´a pu avoir l´ethos
catholique sur la mise en place de certaines formes d´action collective
au Pays Basque, en particulier dans le domaine économique et social.
Touchant le monde du travail mais également le secteur social, cette
partie voudrait porter la réflexion sur les valeurs qui déterminent
les politiques économiques ou sociales, rejoignant là ce que
P.G. Forest(2), reprenant entre autres la réflexion de Mary Douglass
sur l´institution, qualifie d´analyse normative ou axiomatique
des politiques. Ce sont les normes, les valeurs morales assignées
par les acteurs aux institutions qui modèlent les interactions entre
les hommes.
Dans quelle mesure le système de valeurs catholique contribue-t-il
à favoriser tel ou tel modèle de société? Pour
reprendre la célèbre distinction de Tönnies, on pourrait
dire que l´éthique catholique contribue à maintenir
un peu de communauté dans la société, un peu d´organique
dans le mécanique et artificiel. Le discours identitaire a fortement
contribué depuis plus d´un siècle à modeler des
relations spécifiques à l´économique et au social.
Le rôle du religieux dans cette interaction est difficilement réductible
à un seul paramètre. Il se modifie suivant chaque époque,
de l´appui au syndicalisme nationaliste anti-socialiste au début
du siècle jusqu´à l´application des principes
de l´"économie solidaire" avec l´expérience
coopérative. Le facteur religieux contribue à la fois à
la différenciation des deux territoires en présence, l´un
à tradition industrielle anciene, l´autre majoritairement agricole
et touristique, et à la reproduction de comportements similaires.
(1). GELLNER E. Nations et nationalismes, Paris, Payot,
1983, p.11
(2). FOREST P.G. Six Leçons sur l´analyse normative des politiques
sociales, Bordeaux, Les cahiers du CERVL, rapports de recherche nº3,
1997 |